VOYAGE

PURGATOIRE DE SAINT PATRICE

VISIONS DE TINDAL & DE SAINT PAUL

V tfOV.

f-^-^S^v/ BIBLIOTHÈaUE MÉRIDIONALE

PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE TOULOUSE

I" SERIE.

TOME VIII.

VOYAGE

AU

PURGATOIRE DE S^ PATRICE

VISIONS DE TINDAL ET DE S^ PAUL

lEXTES LANGUEDOCIENS DU QUINZIEME SIECLE

PUBLIES PAR

A. JEANROY

PROFESSEUR A l' UNIVERSITÉ

A. VIGNAUX

ARCHIVISTE MUNICIPAL DK TOULOUSE

TOULOUSE

IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE EDOUARD PRIVAT

14, RUE DES ARTS (SQUARE DU MUSÉe)

Paris. Alphonse PICARD et fils, rue Bonaparte, 82.

1903

INTRODUCTION'

I. LE MANUSCRIT.

Le manuscrit que nous publions aujourd'hui à peu près intégralement & dont on avait perdu la trace (.'epuis une cinquantaine d'années a été signalé pour la première fois en i832, mais en termes fort vagues, par le marquis de Castellane, alors président de la Société archéologique du Midi de la France : « Les extraits suivants, dit-il en tête de sa publica- tion partielle du Voyage au Purgatoire de saint Pa- trice^ sont tirés d'un manuscrit en langue romane de l'an 1466^. » En imprimant, quatre ans après, des extraits de la Vision de Tindal^, il ne s'exprime pas

1. C'est M. Vignaux qui m'a, il y a quelques mois, révélé la pré- sence, dans le fonds non .encore catalogué de la Bibliothèque muni- cipale de Toulouse, du manuscrit De Castellane & qui l'a intégrale- ment copié en vue de la présente publication ; c'est lui aussi qui a exécuté les recherches historiques & géographiques dont les résul- tats sont condensés dans l'Index des noms, & rédigé la notice sur Perelhos insérée plus loin (pp. xiii-xviii). Je suis responsable du reste de l'ouvrage. [A. J.]

2. Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France, I, 5i. Ce volume est daté de i8?4 ; mais la seconde livraison (pp. 3i-8i) en avait été distribuée en i832.

3. Ibid., II, I.

Vlll INTRODUCTION.

en termes plus précis. Moquiii-Tandon, publiant en 1887 un nouvel extrait du même manuscrit', nous dit qu'il avait été u découvert » quelques années auparavant par M. de Castellane Se qu'il était entré dans la bibliothèque de celui-ci j mais il ne nous renseigne ni sur la façon dont il y était parvenu, ni sur sa provenance, 8c M. de Castellane lui-même n''a jamais fourni à ce sujet aucun renseignement. Il avait eu du moins l'heureuse idée de donner un fac-similé de la première page, ce qui suppléait en quelque mesure à l'insuffisance de ses indications. A la mort de son premier possesseur connu (17 octo- bre 184")), le manuscrit entra dans la collection du D"" Desbarreaux- Bernard, & c'est de qu'il passa, en 1879, "^^'^s '«i Bibliothèque municipale de Tou- louse, où il porteia le n^ 894^.

C'est un petit in-4°, dont les feuillets, au nombre de 100, mesurent 22 centimètres sur 16 j il est re- vêtu d'une ancienne reliure, en bois recouvert de cuir gaufré, qui paraît du commencement du sei- zième siècle ^j les fermoirs ont disparu, mais ce qui

1. Mémoires de la Société archéologique du Midi de la Erance, III, 33-5 1.

2. La ville de Toulouse acquit la collection du D' Desbarreaux moyennant une renie viagère assurée à sa veuve. Mais la remise n'en fut faite à la ville que postérieurement à la rédaction du Catalogue de M. A. Molinier (i883), ce qui explique que notre manuscrit ne figure pas dans ce catalogue.

3. Au verso du fol. loo se lit une note bibliographique sans impor- tance, d'une main du dix-huitième siècle; au revers de la couverture un vidimus, presque effacé, d'une écriture des premières années du seizième siècle dont voici la transcription :

[inti ?]tulata septima mensis januarii, apud lôcum prediclum de Brugiieria.

.Vaurensis diocesis, in senescallia Tolose, coram nobili viro Petro Dalieyria dicti loc'

INTROIMCriON.

reste de l'un d'eux porte une S majuscule j le papier, qui a peu jauni, est dépourvu de filigrane ; malgré quelques taches ou piqûres de vers, le volume est, en somme, bien conservé j seul le feuillet 6 a dis- paru aux trois quarts'. L'écriture est une cursive très régulière, présentant tous les caractères de la fin du quinzième siècle j cette écriture est très lisible & permet, ce qui est assez rare à cette époque, de dis- tinguer nettement les c des t ^ Xi à l'initiale affecte parfois la forme d'un /, mais il n'y a sans doute qu'un détail graphique (que nous n'avons pas cru devoir reproduire). Les paragiaphes commencent par des majuscules rouges & les deux ou trois pre- miers mots en sont ordinairement écrits en plus gros caractères j les lettres qui ouvrent les deux prin- cipaux traités sont ornées de dessins assez vulgaires ; il y a souvent, dans les marges supérieures Sv infé- rieures, des lancés de plumes qui ne manquent pas d'élégance. Dans l'intérieur même des paragraphes, il y a un grand nombre de majuscules, précédées d'un petit dessin à l'encre rouge, qui ne se trouve même pas toujours au début d'une phrase.

Le Voyage de Perelhos ouvre brusquement, sans

locumtenenle supradicti domini [jujdicis de... . locumlenencia constat [pler quasdam

patentes et apertas licteras [i]n pargameno scriptas et ab ipso domino judice emanatas et signatas sigilloque ordinario curie sue predicte impendente.

Le volume a donc été relié viaisemblablement à La Bruguière (Tarn, arr. Castres), d'où émane cet acte, ou dans les environs. Il n'avait pas s'éloigner beaucoup de son pays d'origine (voy. plus loin, p. Lv-Lvi).

I. Il n'en reste que les dernières lignes du bas, que nous avons imprimées (voy plus loin, p. lo) telles qu'elles se présentent.

X INTRODUCTION.

aucun titre, le premier folio & se prolonge jusqu'au verso du quarantième; au bas de ce feuillet, resté blanc en partie, on lit une rubrique' qui se rap- porte au morceau suivant : celui-ci (folio 41 r°- 47 v°) est le sirventés satirique de Raimon de Cor- net Car mof^ homes fan vers. Comme cette pièce a déjà été publiée trois fois^, nous avons jugé inutile de la reproduire. Au haut du folio 48 commence la Vision de Tindal, précédée (au bas du folio pré- cédent) du titre que nous avons reproduit. Au folio 96 commence, sans indication d'aucune sorte, S<. comme si nous avions affaire à la suite du même traité, une traduction de la Vision de saint Paul; il n'est donc pas étonnant que ce morceau n'ait été remarqué par aucun de ceux qui se sont occupés du manuscrit.

J'ai déjà dit que M. de Castellane avait publié d'assez longs fragments des deux principaux ouvrages qui reparaissent ici en entier. En voici l'indication exacte d'après la présente édition : I. i-43; 167-470; 689-716 ; 1122-37 {saint Patrice)-^ Ii38-l3l8; 1474- i563; 1677-1706; 1884- 1918; 204o-2li5; 2242-86;

1. Aissi comensa la gesta de fra Peyre Cardenal.

2. D'abord par A. Moquin- l'andon {Mémoires de la Société archéo- logique du Midi, III, 33-5 i) j puis, d'après lui, par Raynouard [Lexique roman, I, 464-73); enfin, d'après un autre manuscrit (avec les va- riantes du nôtre), par IVIM. Noulet et Chabaneau {Deux manuscrits provençaux, p. 2-io). La leçon du manuscrit a été assez exactement reproduite par Moquin-Tandon ; en revanche, la traduction & quel- ques-unes des notes sont curieuses par la belle assurance dont elles témoignent : certains méridionaux se fussent crus alors déshonorés s'ils eussent avoué ne point entendre un texte « roman ». Raynouard plus modeste, a supprimé de son édition les quelques passages que le mauvais état du texte rendait inintelligibles.

INTRODUCTION. XI

2372-2412 {Tindal), Ce qui forme un total de

goo lignes environ, soit un peu plus du tiers des deux ouvrages.

IL LE VOYAGE AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE ET RAIMON DE PERELHOS.

Le premier ouvrage que l'on trouvera dans ce volume ottre un singulier mélange de vérité & de fiction, la fiction l'emporte de beaucoup. La première imposture dont son auteur s est rendu coupable a consisté à s'attribuer, S<. à raconter comme s'il l'avait réellement accompli, un voyage dans l'autre monde qui aurait été fait au douzième siè- cle, si l'on en croit la relation latine de Henri de Saltrey, par un hypothétique chevalier Owen. Il a intercalé ce récit dans celui d'un voyage beaucoup moins chimérique, qui l'aurait conduit d'Avignon, sa résidence ordinaire, en Irlande '5 au moins les personnages qu'il y fait figurer sont parfaitement historiques Se il paraît les avoir personnellement connus & réellement rencontrés^.

Mais dans le récit même de ce voyage tout n'est évidemment pas conforme à la vérité j dès cjue nous

1. Voyez plus loin, p. io-i3.

2. Son itinéraire est fort raisonnable : il passe par Londres, Can- torbéry, s'embarque à Chester, touche à Holyhead & à l'île de Man & débarque à Dublin (si c'est bien Dublin qu'il faut reconnaître dans le nom altéré de Belvi),

XII INTRODUCTION.

mettons le pied en Irlande la relation de notre voya- geur perd tout caractère de vraisemblance : l'Irlande était sans doute alors, au moins pour ses compatrio- tes, une de ces terrce incognitœ au sujet desquelles, comme l'ont bien montré Marco Polo &. Jean de Mandeviile, on pouvait raconter les plus extrava- gantes histoires : les plus bizarres inventions de ceux ci ne le cèdent en rien à ce qui .est raconté ici au sujet du « roi Yrnel ', » qui sert à ses invités des gâteaux pétris d'avoine & de terre, & dont les sujets, hommes Se femmes, bien que vêtus approximative- ment, montrent précisément ce que les autres pren- nent le plus de soiji de cacher. Les historiens 8<. les géographes pourront-ils tirer de ce mélange incohé- rent quelques renseignements utiles? C'est à eux que je laisse le soin d'en juger^.

L'auteur se nomme lui-même dès les premières lignes de son ouvrage : il ne serait autre qu'un chevalier catalan bien connu d'autre part, nommé

1. Au lieu de Yrnel, la version de O'Sullivan porte Onellus (voy, plus loin, p. XXIV, n. i). Je soupçonne qu'il s'agit ici d'un membre de la célèbre dynastie des O'Neill, qui se perpétua en Irlande jus- qu'au seizième siècle.

2. La partie originale comprend le début du chapitre i (lignes 1-44), quelques lignes du chapitre 11 (i lo-i i5), les chapitres iv, xxi & l'épi- logue. Il faut aussi, naturellement, ranger au nombre des additions la mention faite par Perelhos des personnes récemment décédées qu'il aurait rencontrées au Purgatoire (690-712). Pour faciliter la comparaison avec le texte latin, j'ai adopté les mêmes divisions que M. Ed. Mail dans son édition de Henri de Saltrey [Zur Geschichte der Légende vom Purgatorium des heil. Patricius, I; à&ns Roma- nische Forschungen, VI (i8gi), p. 1 39-197); au chapitre iv, auquel j'ai donné une diinension inusitée pour ne pas troubler l'accord, répond dans le latin l'histoire du chevalier Owen; après le chap. xxi, le latin nous en donne encore quatre autres, comprenant diverses anecdotes que notre traducteur a complètement laissées de côté.

INTRODUCTION. III

Raimon de Perelhos. Malgré l'importance &. la variété des affaires auxquelles ce personnage fut mêlé, il n'a jamais été, que je sache, l'objet d'une notice détaillée. Voici les renseignements que M. Vignaux a recueillis sur la première partie de sa carrière, uniquement dans des ouvrages impri- més, Se qu'il serait sans doute fort aisé d'accroître en dépouillant les documents diplomatiques émanés de la cour d'Aragon St de la chancellerie des papes d'Avignon.

Ramon, vicomte de Perelhos & de Roda, était issu d'une noble famille du Roussillon. 11 portait de... à six poires de... 3, 2 Se 1 '. Son père, que le P. Anselme appelle François de Perilheux^, gen- tilhomme au service du roi d'Aragon, était un ami du roi de France. Il fut envoyé à Paris en i355, pour conclure entre les deux souverains un traité d^alliance^, puis, en i36o, pour conduire neuf galées mises à la disposition de Jean le Bon"^. Il ne cessa de soutenir la politique française de son maître & il le fit au point de compromettre sa situation^, A Toulouse, à la fin du mois de septembre i366,

1. P., Anselme, Histoire généalogique, etc., t. VII, p. ySS.

2. C'est aussi ce nom qui se trouve dans les documents français & le sauf-conduit délivré par le roi d'Angleterre dont il sera parlé. Zurita écrit « Perillos » ainsi que dom Vaissete. {Hist. de Languedoc, éd. Privât.)

3. P. Anselme, op. & /oc. cit.

4. Hist. de Lang., t. X, pr., c. 1209.

5. Op. cit., c. 1204.

XIV INTRODUCTION.

avec Roger-Bernard de Foix, vicomte de Castelbon, 8c le duc d'Anjou pour le roi de France, il renou- vela la ligue déjà conclue entre ce dernier 8c Pierre d'Aragon". Ses dernières années furent uniquement consacrées au service de la France, car il était en 1867 chambellan de Charles V^, 8c reçut la dignité d'amiral de France j il eut pour successeur, après sa mort, arrivée le 28 décembre iSôç, Aymeri (VII) de Narbonne^.

Le jeune Raimon, son fils, confié par lui au roi Charles V^, resta en France jusqu'à la mort du prince 8c se retira alors en Aragon^, il fut accueilli par le roi avec une grande faveur 8c joua un rôle aussi important que celui de son père dans les deux pays qu'il avait successivement servis.

Tour à tour diplomate 8c soldat, quelquefois cu- mulant ces fonctions, il fut un des ambassadeurs qui vinrent, en iSgo*^, trouver Charles VI à Béziers. Ils lui demandèrent de contraindre le comte d'Armagnac à faire rentrer en France les routiers qu'il avait menés dans les états du roi d'Aragon '7.

1. Op. cit., t. IX, p. 781, d'après Zurita.

2. Op. cit., t. X, c. iSyS; cf. texte, 1. 194.

3. Op. cit., t. IX, p. 81 3. Dom Vaissete le nomme dans ce passage Périlleux et le qualifie de vicomte de Rodez. Ce dernier nom a été rectifié par les nouveaux éditeurs. Cependant il n'avait aucun droit à porter le titre de vicomte de Roda, qui ne fut donné qu'à son fils.

4. Texte, 1. i3.

5. V. p. LX, 1.-2.

6. Zurita, Anales de la Corona de Aragon, 1. x, ch. 44. Le P. An- selme [op. et loc. cit.) dit qu'il vint en France comme ambassadeur dès i382.

7. Cf. Paul Durrieu, Les Gascons en Italie, Auch, i885, p. 34 et suiv.

INTRODUCTION. XV

Ce n'esi que l'année suivante (i3 février iSqi) qu'il obtint de Jean I" le titre de vicomte de Roda'.

L'année suivante, il fut un des chefs de l'armée qu'envoya le roi don Juan 1^"^ en Sicile pour soute- nir le fils de son frère, l'infant don Martin^.

Après avoir été désigné pour faire partie de l'armée qui allait passer en Sardaigne, il partit pour Chypre au commencement de l'année iSçô pour traiter du mariage du fils aîné du roi de ce pays, Jean de Lusi- gnan, prince d'Antioche, avec l'infante Isabelle, sœur du roi d'Aragon. La mort de ce dernier, surve- nue le 19 mai iSçô, mit fin aux pourparlers^. En ce moment les routiers se. trouvaient du côté de Valence, en Dauphiné, sur les frontières du Comtat-Venais- sin. On pouvait craindre qu'ils se dirigeassent vers l'Aragon. Perelhos, qui était alors auprès du pape, avec l'autorisation de son maître"^, eut une entrevue avec leurs chefs à Montélimar & leur

1. Zurita, op. cit., 1. x, ch. 47. Son père ne porta jamais ce titre. Roda est une petite ville de Catalogne, Perellos un hameau du Roussillon Ton voit encore les ruines d'un château appelé « lo castell del seignou ». Quant à ja baronnie de Serret, elle n'a jamais existé. Les Perelhos devinrent, au quinzième siècle, seigneurs de Çéret. Une cloche, qui existe encore dans cette ville & qui date de cette époque, porte le nom de « Perellona ». i,Ges renseignements sont dus à l'inépuisable & aimable érudition de M. Vidal, bibliothécaire de la ville de Perpignan, auquel j'offre l'expression de ma recon- naissance.)

2. Zurita dit que de son temps on pouvait voir au monastère de Monserrat les portraits du roi de Sicile, de son père et de plusieurs seigneurs qui comptaient parmi ceux qui étaient les plus familiers de leurs amis. Parmi eux, il nomme Ramon de Perelhos. [Op. cit., X, 5o).

3. Zurita, op. cit., 1. x, ch. 56.

4. V. p. LX, 1. II,

XVI INTRODUCTION.

offrit de les conduire en Piémont pour le compte de la couronne d'Aragon".

Cependant la mort de don Juan, qu'il apprit, dit- il, à Avignon, rendit nécessaire son retour en Roussillon. Il alla prendre possession de son poste de capitaine général de ce pays, poste d'honneur Si de péril; le comte de Foix, sous prétexte de faire valoir les droits de sa femme, fille de don Juan, venait de franchir les Pyrénées à la tête d'une armée^. Perelhos voulut négocier & chercha à déta- cher le comte d'Armagnac de l'alliance du comte de Foix. Mais il échoua, malgré la parenté de la mai- son d'Armagnac avec celle d'Aragon & la haine séculaire qui animait l'une contre l'autre les deux plus, puissantes dynasties du Midi^.

C'est à cette époque qu'il convient de placer son voyage. Il obtint, le 6 septembre 1897, un sauf- conduit du roi Richard d'Angleterre. Cette pièce est imprimée dans Rymer"^. Le roi d'Angleterre y déclare que Raimond, vicomte de Périlleux & de Rode, chambellan du roi de France, a le dessein d'aller en Angleterre &t de passer de en Irlande, avec vingt hommes et trente chevaux, pour visier le Purgatoire de saint Patrice. En considération: du roi de France, son bien-aimé père, le roi Richard ordonne à tous ses sujets, suivant la formule ordi-

1. Zurita, op. & loc. cit.

2. Zurita, op. cit., I. x, ch. 68.

3. Zurita, op. cit., 1. x, ch. 6o.

4. Fœdera, pactiones, etc., London, 1727, t. VIII, p. 14.

INTRODUCTION. XVII

naire de lui prêter aide & assistance. C^'est le 8 septembre' qu'il serait parti d'Avignon pour savoir ce qu'était devenue l'âme de son souverain. 11 avait sans doute fait demander son passeport par ce que nous appelons aujourd'hui la voie diplomatique. Les relations étaient d'ailleurs non seulement fré- quentes mais intimes entre la cour de France et celle d'Angleterre, comme elles le sont presque tou- jours daiis les premiers temps d'un mariage. La date de iSçS, qui se trouve dans notre texte & aussi dans la traduction latine, démontrée fausse par celle du sauf-conduit, l'est également par celle de la ren- trée en France de notre personnage. Il arriva à Paris, il resta, par ordre du pape^, pendant qua- tre mois, & alla avec le roi assister aux fêtes don- nées en l'honneur de l'empereur d'Allemagne, roi de Hongrie, Wenceslas. Or, ces fêtes eurent lieu à Reims, à la fin du mois de mars iSçS^. C'est donc vers le printemps de cette année qu'il avait ren- trer en France '^.

Comme l'avait fait son père, il se détacha de l'Aragon & se consacra exclusivement au service, non de la Fiance, mais de son compatriote, l'Arago- nais Pierre deLuna, pape sous le nom de Benoît XIII.

1. Le mot vespra doit s'entendre ici, non dans sa signification habi- tuelle de veille, mais dans celle d'après-midi; cf. 1. 3 & igi. On conçoit qu'à cette époque on partît pour un pèlerinage le jour d'une grande tête, mais non la veille.

2. Texte, 1. II20 et suiv.

3. Chronique de Saint-Denis, 1. xviii, ch. lo.

4. Il nous dit lui-même (1. 488) que c'est en décembre qu'il des- cendit dans la caverne de saint Patrice.

H

XVIII INTRODUCTION.

Ce dernier mit à profit son habitude des né2;ocia- tions & le crédit dont il jouissait à Paris, Assiégé dans son palais d'Avignon par Boucicaut, il envoya Perelhos à Paris en novembre iSçS. Celui-ci, de re- tour à Avignon vers le 25 avril suivant, ne put rentrer dans le Palais'. Pendant la période si critique de la soustraction d'obédience, il n'abandonna pas un ins- tant la cause de Benoît XIII. 11 voyageait toujours d'Avignon à Paris. Aussi le trouvons-nous en 1408 figurant dans un acte avec le titre de capitaine gé- néral de la ville d'Avignon. C'est la dernière men- tion que j'ai trouvée de son nom. Le P. Anselme^, cependant, dit qu'il figure dans un arrêt du Parle- ment daté de i4o5.

Ce Perelhos est-il réellement l'auteur de la pré- sente relation d'un voyage au Purgatoire de saint Patrice? Je ne crois pas qu'il faille en douter. L'affirmation contenue dans le texte est, en eftet, confirmée par l'auteur d'un curieux ouvrage, déjà signalé par M. de Castellaiie & que j'ai pu récem- ment consultera la Bibliothèque nationale^.'

Cet ouvrage est une description de l'Irlande, pu- bliée à Lisbonne, en 162 1^, par un Irlandais nommé

1. Noël Valois, La France & le grand schisme d'Occident, t. III, p. 206 & passim, j'ai puisé les renseignements qui vont suivre.

2. Op. & loc. cit.

3. 11 y est coté Réserve, n" 227.

4. HlSTORIAE Ij CATHOLICAE 1| IBERNIAË COM || PKNDIUM 1| domiuO PlliUppO

austriaco IIII \\ Hispaniarum, Indiarum, aliorumque regnorum atque miil\\tarnni ditionum régi Catholico monarcliaeque \\ potentissimo dicatum \\ a U. Philippo Osullevano Bearro iberno || Cum faciil-

INTRODUCTION. XlX

Philippe O'Sullivan, qui, après avoir été au service de Philippe III, occupait un poste dans flotte de Philippe IV, auquel il a dédié son ouvrage'. Il nous apprend qu'il s'était lié à la cour de Castille avec des savants fort curieux des choses anciennes, dont l'un avait mis entre ses mains un manuscrit, rédigé en catalan, dont .l'auteur se nommait lui- même Raimon de Perelhos, & racontait un voyage qu'il aurait fait au Purgatoire de saint Patrice j non seulement il avait lu ce manuscrit avec intérêt, mais il avait jugé opportun d'en insérer une traduc- tion latine dans son ouvrage sur Tlrlande. Le Pur- gatoire de saint Patrice avait été, en effet, l'une des plus grandes curiosités de l'île, Se il tenait fort à dissiper les doutes qui, disait-il, s'étaient élevés dans l'esprit de certains sur la réalité de cette mystérieuse caverne 3. Or, y avait-il rien de plus approprié à ce dessein que le témoignage d'un personnage aussi important, dont le souvenir n'était sans doute point

Lite S. Inquisitionis , Ordiuarii et régis || Ulyssipone excusum a Petro Crasbeeckio regio \\ typographe anno Domini 1621; petit in-4"'. Après une épître dédicatoire à Philippe IV (fol. i-3 non numérotés) & une épître au lecteur (fol. i) l'auteur décrit, dans un premier livre, la situation & les productions naturelles l'Irlande (fol. 2-14); le second livre (fol. i5-3i), intitulé de Purgatorio divi Patritii, ren- ferme la traduction de l'ouvrage de Perelhos; il est précédé d'un chapitre sont donnés sur celui-ci & son ouvrage divers renseigne- ments que nous allons utiliser.

1. On lit dans cette dédicace : « Taceo a me qui honorifico stipen- dio a pâtre tuo rege longe munificentissimo donatus in tua classe arma fero » (fol. 2).

2. On sait que l'entrée en avait été fermée au seizième siècle sur l'ordre de Henri Vlli et d'Alexandre VI.

3. Outre le témoignage de Perelhos, il invoque aussi celui, bien connu, de Denis le Chartreux.

XX INTRODUCTION.

encore effacé, Se qui, après avoir fait le fameux pèle- rinage, en avait lui-même écrit la relation'?

Il résulte donc du prologue de O'Sullivan, non seulement que son original était attribué à Perelhos, mais & ce point a son importance qu'il était rédigé en catalan j or, nous savons d'autre part que Perelhos, grand amateur de curiosités St grand cou- reur d'aventures, avait réellement fait un pèlerinage au Purgatoire de saint Patrice, il est donc infini- ment vraisemblable qu'il avait rédigé lui-même ou lait rédiger sous ses yeux cette relation, il avait été fier de consigner le souvenir des dangers courus 8c des prouesses accomplies.

Si l'original catalan du livre de Perelhos n'est pas perdu, il est du moins assez bien caché pour s'être dérobé à toutes mes recherches, bien que j'aie été grandement aidé dans celles-ci par mon excellent ami M. R. Menendez Pidal.

Je ne crois point d'abord qu'il en existe de manus- crit. Nie. Antonio a signalé depuis longtemps^ à la Bibliothèque de l'Escorial un manuscrit catalan (coté Lit. M, plut. II, 3) contenant une version du Purgatoire de saint Patrice^ mais cette version a, dit-il, pour auteur un Ramon Ros de Tarega & a été exécutée en i32o. Ce manuscrit est encore à l'Escorial j M. M. Pidal ayant bien voulu deman-

1. Le volume de O'Sullivan est assez rare pour qu'il soit utile Je réiniprimer, à peu près in extenso, le prologue en question. On le trouvera, ainsi qu'un chapitre correspondant à une grave lacune de notre texte (voy. p. lo, 1. 1 55-66), à la suite de cette Introduction.

2. Bibliotheca hispana vêtus (Madrid, 1788), II, 121, note.

INTRODUCTION. XXI

der pour moi à l'administration du monastère quel- ques renseignements supplémentaires, l'un des gar- diens du dépôt lui ^ envoyé les premières Si. les dernières lignes de l'ouvrage} il me paraît en ré- sulter que c'est une pure & simple traduction, assez littérale, du traité de Henri de Saltrey '.

M. Morel-Fatio^ a récemment cité un témoignage d'où il résulte que Jean I" d'Aragon envoya, en 1894, à la comtesse de Foix, sa fille, un libre t en lo qual^ dit-il, havem jet trelladar lo Purgatori de Sent Patrici. Ce livre n'était point en tous cas celui de Perelhos, puisque celui-ci prétend avoir accompli son pèlerinage aussitôt après la mort de Jean I" Se précisément pour savoir quel était le sort réservé à I ame de son suzerain. Il en résulte du moins que le Purgatoire de saint Patrice était l'objet d'une vive curiosité dans le milieu même vivait Perelhos.

S'il n'existe plus aucun texte manuscrit de l'ou- vrage de celui-ci, il pourrait bien s'en retrouver un imprimé, S< j'ai quelque espoii que cette découverte aura lieu quelque jour. O'Sullivan nous dit, en eftet, à la fin du passage cité plus loin (voy. p. Lix),

1. Elle commence au toi. xii & se termine au toi. xxviii. Incipit : « [A]l molt desiyat pare en jhu Xst Ricart, abat del mo- nestir de sartés, frare ugo molt menor de tots los monges del mo- nestir de Salteia do ( ?) obediencia laquall fill deu aparer ab continua salut manest (?) honrador pare amj que a nos degues trametre per escrit tôt ço q[ue] en v[ost]ra presencia digni q[ue] auja hoit. » Explicit : « E nos conta sua bocha oydes {!) avem scrits e mes en aquest tractât, acabat es, gracias a deu. » On voit, si la copie est fidèle, que ce ms. est assez incorrect. Le ms. Ée io3 de la Diblioteca nacional de Madrid ne donne que le texte latin.

2. Katalanische Literatur dans Grundriss der romanischen Philo- logie, II, 122,

XXII INTRODUCTION.

que cet ouvrage, réuni à d'autres, avait été imprimé à Perpignan j il ajoute, mais sur la foi d'autrui, & sans en être sûr, qu'un exemplaire en était alors conservé au couvent des Franciscains de cette ville, se trouve, dit-il, le tombeau de l'auteur. De ce que cette dernière assertion soit inexacte, il n'en résulte pas que la première le soit aussi : ce doit être cet imprimé, en effet', qui a été signalé, en notre siècle, même, par deux savants qui, malheureuse- ment, paraissent n'avoir pu jeter sur lui, s'ils l'ont vu, qu'un coup d'œil bien rapide. En 1861, Milà y Fontanals disait, en parlant d'un texte catalan du Voyage^ : « Este se imprimio en catalan en el pri- mer siglo de la imprenta. »

A qui devait-il cette vague notice? Probablement à son compatriote M. Aguilô, dont la Bibliografia catalana^ actuellement en cours d'impression, ren- ferme une fiche sur l'ouvrage qui nous occupe^ : « El sabio traductor y anotador de esta leyenda, dit Aguilo, en parlant du marquis de Castellane, dont il vient de signaler la publication dans les Mémoires de la Société archéologique ^ no conocio la edicion que de ella se hizo en Barcelona (creo), ano i486. » Cet imprimé, que Aguilo place hypothétiquement à Barcelone, est sans doute le même que O'Sullivan dit être sorti des presses de Perpignan. M. Angel

1. A moins, pourtant, qu'il ne s'agisse d'une autre version catalane du Purgatoire, celle qui est conservée dans le ms. de l'Escorial, par exemple.

2. De los trovadores en Espaha, p. 482, n. i3, sub fin.

3. C'est encore à M. Menendez Pidal que j'en dois la connaissance.

INTRODUCTION. XXIII

Aguilô, fils de réminent bibliographe, à qui je me suis adressé pour connaî;;re la source de cette indica- tion, a bien voulu ni'écrire que son père avait vu l'exemplaire en question (il l'avait vu sans doute trop rapidement pour avoir pu en copier le titre & VexpUcit) dans le bibliothèque particulière de M. Bruguera : « Je n'ai pu savoir, ajoute obligeam- ment M. A. Aguilô, ce qu'a pu devenir cette biblio- thèque. » Il y a vraisemblablement un objet que son possesseur croit avoir intérêt à dissimuler aux érudits il ne serait pas en Espagne le seul de ce genre Si que les dollars de quelque collectionneur américain sauront sans doute un jour faire sortir de sa cachette.

En l'absence de l'original, qu'il m'eût été agréable de publier en regard de la version languedocienne, dont il eût permis de combler les trop nombreuses lacunes, je dois me contenter la version latine de O'Sullivan. Celle ci malheureusement est plutôt une adaptation qu'une traduction, comme le déclare l'auteur lui-même : il a résolu, dit-il, non seule- ment de remédier à un arrangement qui lui parais- sait défectueux, mais de supprimer bien des détails qui lui semblaient oiseux Si hors du sujet, Se notam- ment ce que Perelhos rapporte d'après autrui '. Il a

I. Voy. plus loin, p. lix. C'est malheureusement le contraire qui est le vrai : la partie la plus abrégée est celle, en effet, Perelhos avait fait œuvre d'auteur et raconté ses propres aventures; arrivé à la description proprement dite du Purgatoire, O'Sullivan continue à abréger, mais sans supprimer de longs passages, comme précédem- ment.

XXIV INTRODUCTION.

notamment abrégé beaucoup le passage qui nous intéresse le plus, puisqu'il est l'œuvre propre de Pe- relhos, à savoir tout le récit du voyage qui conduisit celui-ci jusqu'au fond de l'Irlande. Le texte langue- docien est parfois dans ce passage si altéré, les noms géographiques si misérablement défigurés, qu'il eût été fort utile d'avoir un moyen de contrôle j malheureusement, ce moyen nous manque presque toujours. O'Sullivan a notamment supprimé presque en entier la curieuse Se très fantaisiste description de la cour du roi Yrnel : il aura compris sans doute qu'un passage de cette sorte pouvait diminuer nota- blement l'autorité de celui qu'il invoquait comme garant 5 aussi a-t-il cru devoir resserrer celui-là en quelques lignes, s'est perdue, en même temps que l'tnvraisemblance, toute la saveur du récit pri- mitif'.

Quand nous arrivons à la traduction de Henri de Saltrev, la version de O'Sullivan a évidemment moins d'importance 5 elle en a d'autant moins que cette traduction n'est nullement littérale : notre Iriandiis est surtout préoccupé d'étaler son érudition & son talent de styliste; il se garderait bien de nommer les diables, dont il n'est point question dans les au- teurs classiques; il trouve beaucoup plus élégant de

I. « Sed cura meam constantiam atque tinnitatern explorasset (il s'agit de l'archevêque d'Armagh) me peccatis absolutuin ad Onellum regem dimittit : a quo ego donis ornatus perveni in paguni qui Protectio vel Asylum nuncupatur ». Le retour de l'auteur est de même raconté en quelques lignes : « Inde, venerabili monasterii praefecto et ejus religiosis salutatis, per Angliam Parisios veni. Hase tuit mea protectio in divi Patritii Purgatoriuin ».

INTKOULCTION. XXV

parler des Furies, des Euménides & de l''Averne j enfin cette prose cicéronienne est toute constellée d'hémistiches de VEnéide.

J'ai cru cependant devoir rapporter dans les notes quelques phrases (je les ai fait précéder de la lettre S) qui m'ont paru éclaircir, plus que ne l'eût fait le texte original, la version languedocienne'.

Celle-ci nous est malheureusement arrivée en fort mauvais état : le scribe auquel nous devons notre unique manuscrit était fort négligent, Se il ne s'est certainement pas relu. Le plus grave défaut (|e sa copie consiste dans l'omission (souvent provoquée, semble-t-il, par des bourdons) de nombreux mem- bres de phrases, parfois même de passages assez longs ^, qui rendent naturellement le texte inin- telligible. J'ai cru du moins, ce que n'avait pas fait le précédent éditeur, devoir avertir le lecteur par des points de suspension, 8<. donner en note le texte latin correspondant aux passages omis. J'ai repro- duit, suivant que la traduction se rapprochait davan- tage de l'un ou de l'autre, tantôt le texte publié en 1647 P^^ Colgan , 8t reproduit par M. Mail, (je le désigne par la lettre C), tantôt celui du ma-

1. Sur la forme primitive des noms propres, O'Sullivan ne nous fournit pas grand chose : le chevalier anglais qui entre, après Pe- relhos, dans la caverne (453), n'est pas appelé Guilhem de Corsi, mais désigné par les mots : angliis eques, Taresi dominus; la nièce de Peielhos (694) est dénommée ici doua Aldonsa Carolea (en marge : doha Aldonsa de Carlos). Il n'est question ni du neveu mentionné 1. 417, ni des deux personnages que Perelhos avait faits cheva- liers (43 1).

2. P. 35-6, la lacune doit comprendre au moins une quinzaine de lignes.

XXVI INTRODUCTION.

nuscrit de Bamberg (A) que M. Mail a publié pour la première fois '. Je n'avais pas sur les manuscrits latins de renseignements suffisants pour rechercher à quelle famille appartenait celui qu'a suivi Pe- relhos^. Je n'ai proposé de restitutions que quand la lacune n'embrassait que deux ou trois mots faciles à retrouver; mais la traduction est si peu littérale que cette tentative eût été dans la plupart des cas, non seulement audacieuse, mais chimérique^.

III. VISION DE TINDAL ET VISION DE SAINT PAUL.

Je pourrai être beaucoup plus bref en ce qui con- cerne les Visions de Tindal & de saint Paul. Le traducteur n'a pas jugé bon de se faire connaître, 8c rien dans son œuvre ne nous renseigne sur son

1. Voyez plus haut, p. xii, n. 2.

2. Sa version me paraît en général se rapprocher davantage du texte de Colgan : ygS quoniam nobis hucusqiie servisti manque dans A ; 8oo-5, le passage est beaucoup plus développé dans A; 825, le dis- cours des démons n'est que dans C (tout ce chapitre est, du reste, beaucoup plus développé dans A); 846-7 est traduit littéralement de C; de même 940 ss. D'autre part, tout le développement qui occupe les lignes 855 à 86 n'est que dans A; c'est aussi d'après À que sont traduites les lignes 1049-50 & io58; de A aussi provient la mauvaise leçon dévala 1018 (voyez la note). Pour d'autres passages enfin (83i-5, par exemple), la traduction paraît reposer sur un texte .différent de C & de A.

3. La comparaison avec le latin m'a permis au moins d'apporter ça & quelques corrections qui me paraissent assurées (voy. 686 & 724).

INTRODUCTION. XXVTI

compte'. A-t-il traduit directement sur le latin ou s'esi-il borné à transporter dans son dialecte, comme il l'avait fait pour l'ouvrage précédent, une tra- duction romane^? Il est impossible de le dire; les contresens même, qui abondent dans son œuvre, ne prouvent rien à cet égard, car il a pu les emprunter à une traduction antérieure 3.

Cette traduction, en tout cas, est fort inexacte, qu'il faille rendre responsable de cette inexactitude notre traducteur même ou son prédécesseur. Il est, en général, facile de se rendre compte des motifs qui lui ont fait altérer le texte. Parfois il abrège parce qu'il ne comprend pas : il omet, par exemple (ii85),la mention assez énigmatique de cette hache, que Tindal recommande en mourant à la sollicitude de son hôte; plus loin (1247), il supprime quelques mots faisant allusion à des manèges d'amoureux "* que dans sa candeur il ignorait sans doute. Tantôt il supprime des détails techniques qu'il juge sans intérêt pour ses lecteurs : il omet, par exemple

1. Le De Peyralade (de Petralata) qui a inscrit son nom au bas du dernier feuillet n'est évidemment que le copiste.

2. On pourrait songer qu'il a eu entre les mains le petit corpus que l'évêque d'Elne avait formé au commencement du seizième siècle en faisant joindre au voyage de Perelhos d'autres ouvrages évidem- ment de même nature; cf. p. lix. Il existe, comme on le sait, deux versions catalanes de la Vision de Tindal; l'une a été publiée par P. Bofarull {Documentos literarios en antigiia lengua catalana, dans Colecciôn de documentos ineditos, t. XIII, p. 8i-io5), l'autre par M. Baist {Zeitschrift fiir rom. Phil, IV, p. 318-29). La nôtre n'a aucun rapport ni avec l'une ni avec l'autre.

3. Ces contresens sont assez nombreux : voyez notamment les notes à 1435 & ig3i.

4. « Quare non teris pede, non digito loqueris. » (Ed. Wagner, p. 10, 1. 16.)

XXVIII INTRODUCTION.

(1189), l'énuinération des signes de la mort, celle des ornements dont éclatent les tentes des bien- heureux (2253), celle des neuf ordres des anges (2304). 11 avait sans doute le sentiment que son public ne s'intéresserait point aux curiosités de la science ou aux mystères de la théologie.

Il abrège enfin ou atténue quelques passages dont le réalisme l'avait apparemment choqué 5 il glisse sur certain genre de faute dont Tindal est puni (172IJ cf. éd. Wagner, p. 29, 1. 23)j il atténue les couleurs de certaines descriptions qui pourtant nous semblent plus répugnantes que lascives'. Il a estimé, j'imagine, que ces passages, dont ne s'était point alarmée la pudeur des moines du douzième siècle, pouvaient faire naître de mauvaises pensées dans l'âme des pieux lecteurs pour lesquels il exécutait sa traduction.

Dans ce texte comme dans le précédent, les omis- sions pullulent j aussi ai-je citer un grand nom- bre de passages de l'original, qui aideront à le compléter ou à le critiquer. Je les emprunte à l'édi- tion de M. A. Wagner [Visio Tnugdali^ lateinisch und altdeutsch i Erlangen, 1882, pp. i-56) dont les divisions sont reproduites dans la mienne.

Des trois versions que nous imprimons, celle de la Vision de saint Faut est de beaucoup la plus in- fidèle à l'original. Il ne s'agit plus ici seulement de

I. L. 1611-14, cf. Wagner, p. 24, 1. 20; il s'agit du supplice infligé aux moines qui ont failli à la chasteté; cf. 1690 & la note.

XXIX

INTRODUCTION.

quelques altérations de détail, mais de nombreuses nanspositions, Se d'omissions réitérées, dont le ta- bleau suivant donnera une idée plus précise que toute autre explication.

ORIGINAL

TRADUCTION.

I. Les arbres de feu (2).

II. La fournaise (3). IIL La roue (5).

IV. Le fleuve rempli de mons- tres dévorants (6).

V. Le pont; les âmes diverse- ment immergées (7-8).

Vî. Le lieu ténébreux réservé aux usuriers (i5).

VII. Réunion de toutes les pei- nes; les femmes pécheresses (16-18).

VIII. Le feu & la glace réunis

(19)-

IX. Supplice de Tantale (20).

X. L'évèque négligent (21).

XI. Le puits scellé (22).

XII. Les âmes dévorées par les vers (23).

XIII. L'âme pécheresse empor- tée par sept démons (24).

XIV. L'âme juste ravie au ciel (25).

I (1. 2428 ss.; en plus, un commentaire qui manque dans l'origi- nal.)

ni (2457).

II (2442).

IV (2464).

V (2472).

VI (2484).

» »

VII (2498).

VIII (25oi).

I. Je suis l'édition donnée récemment par M. P. Meyer {Romania, XXIV, 365-75). Les chilTies entre parenthèses renvoient aux subdivi- sions de cette édition. Cf. le texte un peu différent donné par Migne, Patrologie latine, t. XCIV, p. 5oi.

XXX INTRODUCTION.

XV. Plaintes des pécheurs C26). » »

XVI. Prière de saint Paul & de IX (25ii; très abrégé), saint Michel; réponse de Jé- sus-Christ (27-3o).

XVII. Epilogue sur le nombre » » des peines de l'enfer (Si).

Je n'insiste pas sur les altérations & modifications de détail, dont il sera très facile de se rendre compte en consultant l'édition du texte donnée récemment par M. P. Meyer '.

Il résulte de tout ce qui précède que l'intérêt de nos textes est surtout linguistique. On ne s'étonnera donc pas de me voir consacrer une bonne partie de la place dont je dispose au relevé des formes & à la détermination du dialecte dans lequel ils sont écrits.

IV. ÉTUDE LINGUISTIQUE ^

I. Phonétique.

Voyelles toniques. i. Le suffixe -a ri us est représenté au masculin par -ier, au féminin par

1. Il existe une autre version provençale de la Vision, beaucoup plus fidèle; elle a été imprimée jadis par Bartsch (Denkmœler der prov: Literatur, p. 3 10) & tout récemment par M. Appel [Prov. Chres- tomathie, p. 177).

2. Je prends pour modèle, dans cette étude, les Observations gram- maticales ajoutées par M. Ghabaneau à son édition des Deux manus-

INTRODUCTION. XXXI

-îeîra {-ieyra)-^ les exemples sont tellement nom- breux qu'il est inutile d'en citer.

2. e bref, sous l'influence d'un yod, se diphton- gue en ie : deliech 86 ij despieg 96, 799; mieg 814, 624; piet-^ 644, 2448; ou en iei : glieisa 79, 187 j glieya 78, 84; perfieyt 366; sieys iSiô-, yeis 2487 ; un u posttonique ne produijt pas la diphtongaison : greu 679.

3. La diphtongaison de o bref se tait tantôt en «o, tantôt (notamment devant / & n mouillées) en ue : on a, d'une part, buou 867; enuoch 97; nuoch^ nuog 68, 5o6, 934; pluoj'a 2010; et, de l'autre, fuelha 2263; huelh 23oi, 2426; huey 222, i523; luenh Sii'y puesca i^i^'^ sue jjro looi; vuelh 29. Les trois mots locum, focum, jocum sont traités dif- féremment : on a toujours joc 100; loc 78, 386, 1679, & non moins constamment /woc 582, 583, 678'.

4. ue^ provenant de la diphtongaison de 0 bref, peut se réduire à « .• vulha 876; vulhas 1479, 1979* On s'explique mai le passage de ou à oy dans moyre (^movere) 1822.

5. o fermé devait être déjà prononcé ouf cette

crits provençaux (Montpellier & Paris, 1888^ p. 161 & suiv.), sans m'astreindre à relever, comme il l'a fait, toutes les particularités; je m'attache surtout à celles qui peuvent fournir des indications sur la provenance de nos textes. J'emprunte mes exemples aux trois ou- vrages, dont la langue, comme on le verra par ce relevé même, est identique.

I. La même contradiction s'observe actuellement dans la plupart des patois languedociens & quercinois; de ces trois mots, le dernier seulement se diphtongue, comme dans notre texte, à Castres, Va- lence-d'Albi, Villeneuve-sur-Lot, Cahors, &c.

XXXII INNRODUCTION.

notation ne s'observe néanmoins qu'une seule fois : fouc 1436.

6. i ^ e devant l se font suivre d'un a parasite dans angial 1688 [angel^ d'autre part, est fréquent : 1263, 1266) 5t mial 2, 1371, i582, 2526.

Voyelles atones. 7. a final a aujourd'hui passé à o dans la plupart des dialectes méridionaux : cette notation ne se trouve que dans un seul exemple, il faut peut-être voir une faute : atrobero 174. Au lieu de Va habituel , on trouve Ve catalan ou gas- con dans companhies 23 12, perdries 525, & solies (solebas) 1242, 1244.

8. e protonique passe fréquemment à i : ginolh 384} ir^tg^ 281; scur'qit 928; virtut 559, 97^* " passe a o dans omplian i23o (cf. aumplir 2 121) le changement est peut-être produit par la conti- guïté de la consonne labiale m'j à a dans camar- lenc i3, 194.

9. i protonique devant l dégage, non un a, mais un e dans humielmen 549, 1620, 2514.

i protonique, même dans des mots savants, passe k e : dignetat 23ii} emagenïey 176} relequias 6ij vesio 2261 '.

10. o protonique peut passer à w .• pitjaf:^ 1829.

1. Mistral signale le limousin ompli & le catalan umplir.

2. M. Tobier m'a récemment reproché {Literaturblatt, 1902,00!. 410) d'avoir parlé, à propos de mots semblables {ociojetat, ordenacio), de dissimiiation. Encore aujourd'hui, cette explication me paraît vrai- semblable; ces mots étant savants, on s'attendrait à y retrouver 1'/ du latin, &' il est à remarquer que tous présentent un autre 1.

INTRODUCTION. XXXlIt

11. Les diphtongues, à la protonique, ont une tendance à se réduire, ie à i dans v'ithesa g6, 99; ei à i i^y) dans yssemplava 8415 yssordat 494 j ue à u dans enujos 995 puscam ii33, 2414.

12. eu dans quelques mots assez rares passe à au : laugier 866, 1149, 1^69, 2*434 ; laugîeyria 1162; cf. d'autre part aleujat-^ 881 j cosseubian 1687 j deceu- budas 1624.

Consonnes. i3. Le groupe et aboutit le plus souvent à un son chuintant qui est noté indiffé- remment par ch 8< par g.

A. conduch 275, 9175 deliech 8615 despiech 799J destrech 13475 drech 8145 drecha 7265 estrech 55o, 1479; estrecha 17605 fach 466, 9985 fâcha 162, 7o3, 14485 /àcAy 570, 1249, l'd/^O'y fêncha 24565 nuoch 68, 6065 ponch 1731. Le résultat est le même à Va protonique : delechar 538 5 drechurïer 16265 ponchos ii\S2 'y ponchut i55j.

B. delieg-^ 8615 deipieg ()6', dig 168, 178, 10225 estreg 14795 ^j^r^g^ 3i2 -, Jàg 12265 /àg^ 17265 HMO^ 9^4 5 nuog-^ 1168,

La vocalisation du c est beaucoup moins fréquente & paraît se produire surtout dans des mots très usuels ; benai^eyt 108, 9675 bena-:^eyta 1085 bene- '{it-^ 8785 fayt 19, 32, ^^)i '^ fayta^ J'aytas 199, 412, 8885 fayt-:^ 984, 14605 layt 2985 perfieyt 3665 sobredit 2294. Les deux traitements se rencontrent dans /<3ygf 536, 5c la chute pure ik, simple du c dans /JîVr-j (pectus) 644, 2448. Le sutfixe -aticus

m

XXXIV INTRODUCTION.

donne -atge^ très rarement réduit à -âge : viatge 32} viage 3o. Le groupe net reste sans altération : sanct 7, 345 sancta 3.

14. gdy gy, dy à la finale aboutissent à un son noté indifféremment par ch ou gf notre scribe n'a donc point les mêmes scrupules orthographiques que les rédacteurs des Leys (I, 38) qui, se réglant sur les formes féminines ou les dérivés, beaucoup plus que sur l'étymologie, veulent qu'on écrive empach cause de empachar)^ destrech, & d'autre part Za^, rag^Jreg.

A. bruch 556^ 56 1; bruchs i'565 j /rech jj 5 y 777; rach-^ 935 j vech 1 97 1 .

B. brug 557, 558j mieg 3i4, 624, 1399^ p^^g 284, 1349, i369j veg i36o, 1966.

Les féminins ou dérivés sont naturellement en/ ; mieja i543j refrejar i686j ce son est très rarement (on sait que le phénomène est ailleurs très fréquent) noté par g : miega 286. s

i5. Le groupe ts (le plus souvent noté îf) p^'"" siste : les cas d'affaiblissement en s simple soiit très rares} glas 1349, i357, 14445 p(^^^^ SSo; solas 1457} pretT^ (pressum) 789 est une graphie inverse prouvant que ce phénomène n'est pas un inconnu à nos textes.

16. t final, à la pers. sing. des parfaits, tombe parfois même devant une voyelle : punies 1628} poguis i53o.

17. d intervocalique, avant comme après la toni- que, passe régulièrement à s douce, comme dans

INTRODUCTION. XXXV

toute la région centrale du domaine d'oc j ce son est ordinairement noté par f, plus rarement par s : asordena iSSy; ausidas 245 ausir 10; c^-^er (sedere) 2181 j cru-^a 358 j espa-^a 3o6 j fi^ar 284} ga-^ardo 567 j sei^itha 20665 iwfor 481.

18. Je ne sais s'il faut voir un phénomène pure- ment giaphique ou la repfésentation d'une pronon- ciation de \'s particulièrement énergique dans le redoublement presque constant de cette lettre après une consonne 5 le fait est particulièrement fréquent dans les suffixes -antia Se -entia : cansso 1075 esperanssa 1467; Franssa 125 memhranssa Ï276; mescre'^enssa 5i '^ penedenssa 182, 2495.

ig. Un autre trait qui est, comme le précédent, un des plus caractéristiques de nos textes est l'ab- sence de e prosthéiique devant s suivie de consonne : scapar 188} scampar 1669 j scandais 264 j scumenja- das 19865 spinas 353; squern 96; squissavan 1695; squivet i8oj sperit 144, 2417. (Voy. au Glossaire^k la lettre S.) Ce phénomène se produit indifférem- ment après les voyelles 8<. après les consonnes, même après s : diverses staf^ 786. (Cf. d'autre part diverses estat-^, 640, 763.)

La vocalisation de s en i, si fréquente dans les dialectes modernes devant les sonores Se les nasales, ne se produit ici que dans almoyna^ 338, 877, 1955.

20. s dans le préfixe des tombe assez souvent de- vant consonne : delau-:^ar 187 ; déliât 1926; de- pueys 33. s finale est presque constamment omise

XXXVI INTRODUCTION.

dans may ■' 535, 689, même devant voyelle 5 612, 641, s suivie d'un yod en hiatus est souvent ré- duite à i (j), Si c'est la encore un des traits les plus caractéristiques de nos textes : glieya 78, 84, 92, 261 j mayo 7485 2o55, 2061, 20785 cf. d'autre part gliey-^a 79, 187, Ii55; may-^o 20JJ ; prey^o 27.

21. m suivie de consonne dans le corps du mot se change parfois en n : enpres 628; menhre 1717, 1784J remenbrar 14505 vesconte 5.

n à l'intérieur des mots est très souvent omise devant les consonnes yjj,v.- cofonec 6205 cosselh 486 ; cossenlir 6 j2 'y covertir 495 essenhar ^(^ '^ essems 866 j eveja 2i3oj pessar 1821 j yjjerii 5o. n finale tombe constamment : basto 60 -^ hos jo'jcappela 16685 cappelas 147, 20715 crestias 205 entencio 2285 maîi 187 5 /?a iio, 2^16 '^ pelé gris 20895 robi 22995 sobi- ras 2194. Une n explétive s'ajoute souvent après la préposition a devant une voyelle, surtout dans la locution an aquel 42, 48, 5io.

22. b inédial (latin) tombe dans esproar S2g.

23. l mouillée finale paraît bien réduite à Z sim- ple 5 c'est ce que prouvent des graphies comme des- tral 1591, artels 1891, Si, non moins clairement, des graphies inverses comme cotelh 24265 cristalh 22965 domaiselhas 333 5 metalhs 2272'.

24. r finale tombe assez fréquemment dans les substantifs, notamment quand elle appartient au suffixe -orem .• dormido 945 prio 79, 92, 1805

I. On sait que ces graphies sont fréquentes dans le nis. 856, exécu.té probablement en Languedoc.

INTRODUCTION. XXXVII

senho 20825 servido 1121, 21015 de même dans carce 2416. La chute est particulièrement fréquente devant Vs de flexion : alegries 9665 carsses 1985 ; deutos 2471; dossos 9245 husuries 24705 lausos 22i3j murtries 1389, 19885 raubados 18885 servi- dos 4205 traydos^ ibid.^ de même dans travessiey 2i3, iii3.

25. Tandis que ce phénomène est à peu près constant, la chute de IV finale des infinitifs est au contraire une rare exception : on en trouve néan- moins des exemples, S<. cela pour toutes les conjugai- sons (saut toutefois celle en -ère \^e long]).

A. aporta 22885 dévora 1729, 24275 guerreja 8195 mostra 8865 restaura 12565 ?orca 849.

B. planhe 6105 se^ 5ii.

C. mori 934.

26. r finale est souvent redoublée : Jerr 3o6, 5o4, 681, torr 1489, Se parfois se fait suivre alors d'un e d'appui : ferre iSîB.

Accidents divers. 27. On peut ranger ici le changement de l en / dans cirîci 2108, & les for- mes setglars 1611 (saecularem) & vostar i553.

Particularités^graphiques. Dans cette caté- gorie me paraissent pouvoir être rangés les faits suivants :

28. Les consonnes initiales sont fréquemment redoublées après les prépositions terminées par une

XXXVIII INTRODUCTION.

voyelle, comme dans la plupart des manuscrits de cette époque : a jfar iSiy, a ssaber i/\63.

29. Il y a une indifférence absolue, surtout à l'initiale, entre s èx, c pour noter s sourde, quelle que soit l'étymologie du mot. On trouve donc c pour s latine & inversement :

A. céda 2 181 5 cela 3ov3 ; centia 1809; cei^er 2181J cilentîa 2224.

B. sivada m; sypres 2278.

30. i- à la finale est très souvent remplacée par ^ non seulement après r, mais après beaucoup d'au- tres consonnes : aquest':^ 2465 report-;^ 83; vist\ 81; croc-^ 584; pauc-^ 161; estreg-^ 3i2'; perilh-;^ 264; enemix-^ 284 j lonx-^ 3ll.

3i. es est très souvent remplacé par a: à la fin des mots, Se cet x peut être suivi lui-même de la con- sonne de flexion : arx 3i4; arxs 5o8j lonx 606; bex^ 647.

Les lettres qu'on pourrait appeler savantes com- mencent du reste à apparaître avec une fréquence qui déjà touche à l'abus : outre x ^ -{^ on peut ran- ger dans cette catégorie h !k y.

32. h se trouve non seulement à l'intérieur des mots pour empêcher la synéièse, comme dans pahor 585, mais surtout à l'initiale : ha 209 j ho 1182; hohesir 1170; huberta 1396; huelh 1095; hun 743.

33. y se trouve également à l'initiale, à l'inté- rieur 81 à la fin des mots : yla 220; yran 448;

I. Pour f au lieu de s après ch & g, voy. plus haut, i3.

INTRODUCTION. XXXIX

yvern 487; creyre 53i; seyre 4795 troneyre 484; camy 7545 ca-^iey 4905 layronicy i5o6; revenguy 494; v'^wj' 497-

II. Morphologie.

Substantif et adjectif. 84. La déclinaison a complètement disparu j il en reste pourtant ça S<. quelques traces, mais les formes subsistantes du no- minatif paraissent employées absolument au hasard; peut-être faut-il faire une exception pour sor 333 (et. sorre 418 au cas régime) & pour senher, forme ordinaire du vocatif & du nominatitj mais on trouve aussi dans ce dernier emploi senhor 69, 71, 170, 386; negusj employé souvent comme cas sujet, 171, 284, 849, Ii54, l'est aussi comme cas régime, 708; c'est aussi comme cas régime qu'est employé res^ 181, 654. Negu est employé comme cas sujet 884; res est pris adverbialement 859.

35. Les substantifs, adjectifs 8v participes termi- nés en s font le plus souvent leur pluriel en inter- calant un e devant l'y de flexion :

A. brasses 684, 682; classes I191; corsses 2201 ', lasses 1271.

B. diverses 18, 640; ergolho-^es (8c plusieurs au- tres) 1938; enclau-^es 1074; espesses 502; me-^es 1084; so-boro-^e^ 36o.

On a la même intercalation dans clergues 826, 414, ik vistes 991, 1044 (ordinairement vist-(). On

XL INTRODUCTION.

ne la trouve jamais dans les pronoms eh^ aquels^ Sec, comme dans tant d'autres textes'.

36. Les adjectifs dérivés de la troisième décli- naison latine ont souvent un féminin analogique en -a : delectahlas 1095 granda 1400; orribla 1402 j terriblu 14785 variabla 175 on a de même parfois, comme féminins de quai & tal^ quala Se tala^ 121.

Article. 37. L'article masculin est toujours lo; la forme toulousaine le n'apparaît pas une seule fois. Combiné avec l'article indéfini, l'article masculin donne la forme lahun^ très fréquente dans de nom- breux textes à partir de la fin du treizième siècle.

Pronom. 38. On a quelques exemples du datif du pronom de la 3* personne pour l'accusatif : ly assalhiran 144 j lor tractavan mal 2456 (peut-être faute pour los).

39. Lor ^ qui prend la marque du pluriel, est traité en véritable adjectif, 52, 147, 1662, 1712. Il y a un exemple de su us se rapportant à un subs- tantif de pluralité 2464^. Les possessifs fémijiins sont meua 1457, 1459, teua 108, 1208, seua Il54, 1157. Notez la forme féminine son ii5i.

Conjugaison. Modes. 40. On trouve des exemples, remarquablement nombreux pour Tépo-

1. Par exemple, dans les Mystères provençaux (roucrgats) que j'ai publiés avec M. Teulié (voy. page xl, 3o).

2. C'est l'usage espagnol. Sur des emplois de cette sorte en italien & en ancien français, voy. Tobler, Vermischte Beitrcege, II, 80.

INTRODUCTION. XLI

que, de la seconJe forme du conditionnel 5 le sens est presque toujours, conformément à l'usage classi- que', celui du conditionnel passé ^ : atrobera 1745 cugera 9885 degra lyoS, 20145 /(fra ^oSlj pogra 563, 1397, 18 13, vqlgra 1222; à côté de la forme régulière pogra ^ notons la forme faible poguera beaucoup plus fréquente 661, 669, 832, 835, 842, 895.

41. I.es formes inchoatives aux présents de l'in- dicatif ^ du subjonctif des verbes en -ir sont très fréquents :

A. bene-:^issen 146; consentisso i335 j pocesisso 2194 j reculhisso 3415 regisio 21455 servisse 794; su/Jrisso i332, i334, 1931. (Cf. suejjro^ plus fré- quent, i385, 1425.)

B. convertiscas 17945 elegisca 1825 partiscam 1470 (et. partam 1344)5 perjèsisca 122.

42. Sur la chute de l'r finale à l'infinitif, voy. plus haut, n" 25.

43. A noter quelques participés passés analogi- ques comme assegut 554, ^^11 j fiO-:^egut 24695 segut 5i5 5 temegut 2349.

Temps (S* personnes. 44. Au présent de l'in- dicatif la I" pers. prend souvent un î de flexion, beaucoup plus rarement un e^ même quand une voyelle d'appui n'est pas nécessaire.

1. Cf. p. Meyer, Guillaume de la Barre {Société des anciens textes), p. Lxvii & suiv.

2. Pogra 181 3 répond cependant au cond. présent.

XLII INTRODUCTION.

A. ciiri ic)^ 710; cresi 55S 'y podi 25; terni i3o8; voli 710.

B. demande 2160; dopte iSiy; regracie j 10.

45. Ha bec est généralement représenté par iei {iey) ' (de même sa pic, siey 711); c'est donc aussi -iei qui sert de terminaison à la i" pers. de tous les futurs.

46. C'est en -iei également que se termine la première pers. des parfaits aux deux premières con- jugaisons faibles. A la 3^ conjugaison faible & aux conjugaisons primitivement fortes, la flexion ordi- naire est -i : agui 17, 285, 902, çSi ; conogui 946; dissi 495; Je-^i 167, 408, 429; me-;^i 19, 87, 202; parti 695; pogui 188, 467, 479; pre-:(i 270, 285, 45o; sauhi 499; tengui 296; vengui i58; vigiii 290, 295, 499; y^i^^^ 1054. La forme allongée en -iguiy devenue si fréquente dans les dialectes modernes, commence à apparaître : ausigui 555; garnigui 466; partigui 4, 1026, 1091 ; salhigui^ 788; sentiguiy 477, 8o3 ; servigui^ 167.

47. La 2^ pers. sing. du parfait a conservé le t étymologique : clamiest 1466, nasquiest 1280, qui peut tomber, même devant une voyelle (voy. plus haut, no 16).

48. Nous trouvons à la personne sing. de l'im- pératif des formes surprenantes : estay 1288, 1599, 2094, 2485 ; tey i 290 ; viey i 289, 1870, 1878, 1981 . Je suppose qu'elles ont toutes été formées sur le mo-

I. Il y a pourtant quelques exemples de ay (voy. au Glossaire), & de futurs en ay : suffriray iSSy.

INTRODUCTION. XLILI

dèle de fày 2006, îidç, 2498, la seule phonétique- ment régulière.

49. A l'imparfait et au conditionnel , Va primitif peut s'affaiblir en e (voy. plus haut, n^ 7).

50. A l'imparfait du subjonctif, un e s'introduit avant IV de flexion : consentisses 53i.

5i. La 3^ pers. sing. est, au parfait, le plus sou- vent en -c.

A. comensec 5] etc. Cf. pourtant alegret 28885 laysset i3j menet 2097, 2/^6b\ ploret 2446; sagelet 2491 ; sospiret 2445 5 volguet 2319.

B. dissec 620; reconoc i6i5j resseubec 10925 seguic 160 5 sentie 13845 traissec 701.

62. A la I" personne du pluriel, Vm originaire n'est jamais affaiblie en n (puscun ii32 est une faute d'impression pour puscam)\

53. Sur l'affaiblissement très rare de ts [t-^ en i, voy. plus haut i5.

54. Les troisièmes personnes du pluriel ont une importance particulière pour la localisation des textes 5 aussi convient-il de fixer ce point avec préci- sion^. Tout d'abord, on ne trouve jamais, corres- pondant à habent (ni par conséquent au futur), à faciunt ou à vadunt, les formes en -au 5 -an appa- raît, au contraire, avec une remarquable constance ^.

1. De même parlessen 438 doit probablement être corrigé en par- lessem .

2. Voyez sur ce point le mémoire de M. P. Meyer , Romania, IX, ig2-2i5. Je suis, dans l'exposition des faits, l'ordre adopté par M. Meyer.

3. L'écriture de notre manuscrit permet presque toujours de dis- tinguer sûrement, à la finale, n de m.

XLIV INTRODUCTION.

55. La finale -ent n'a laissé que fort peu de traces, ayant été presque complet» ment évincée par -unt, constamment représenté ici par o (non par on) ' : ajiido 388 j manjo 112, &c.

Il reste à peine quelques traces de -an t au présent de l'indicatif des verbes en -are : cridan 8205 me- nan iSij getan içSSj vodan'^iÇ)?)2,

56. De même au subj. prés, des conjugaisons II-IV \ fasso 532; meto ï3io', prengo iZoç)'^ vu elho 1275 cf. pourtant jassan 707.

57. A rimparfait de l'indicatif de la \^^ conjugai- son, c'est également 0 qui domine : amonestavo 408; cridavo 6225 passavo i3545 portavo 2499. Les for- mes étymologiques en -an^ sans être aussi nom- breuses, sont cependant fréquentes : cridavan 585; cremavan 683; manjavan 2468; najjravan l353; squissavan 1238^. Une troisième forme enfin en -aven, dont nous trouverons tout à l'heure l'expli- cation, sans être aussi commune que les deux autres, apparaît assez souvent : acostumaven 407 j agînol- haven 2079; anaven 1799; demandaven io5j j?ca- ven 644; gitaven 1407; parlaven ijgg^ plegaven 358; rossegaven 602; turmentavenjS5l ^.

58."^Aux conj. II-IV, la forme la plus constante est en -îan : bene-^ian (^^6 '^'^di-^ian 576, 1234; 0^2- plian i23o,' pendian 2430; suffrian 2010; yssian

1. Cf. pourtant' eron, feron Siforon. (Voy. au Glossaire.)

2. Voyez de nombreux exemples de -avan, p. 109; mais, à la page suivante, les formes en -avo ne le sont pas moins.

3. Il n'y en a guère plus d'une quinzaine en tout.

INTRODUCTION. XLV

T408. C'est peut-être, l'z précédant la vovelle finale qui a çà et affaibli cette voyelle en e : bene-:^ien 22725 corrien 6005 poyrien Syô j resseubien i 100 } salhien 1403. J'imagine que c'est cette finale elle- même qui a produit l'affaiblissemeiit de -avan en -aven, dont il a été question plus haut. 11 est remar- quable qu'il n'y ait pas un seul exemple des formes en -io si fréquentes dans le Quercy Se assez com- munes dans le Toulousain.

09. A l'imparfait du subjonctif, la forme en -o est à peu près la seule usitée : aguesso g6j deguesso 621 5 menesso I253j pre-^esso I253j venguesso 1078} vi- guesso 54 (une quinzaine d'exemples)} il y a seule- ment trois ou quatre exemples en -en \ jossen 4545 duptessen io5S '^ temessenQ) 10365 volguessen 2073.

60. Les finales latines -unt Ôc -ent sont repré- sentées, au présent de l'indicatif, le plus souvent par -0, très rarement par-^n, mais ces deux flexions correspondent indifféremment à -urit &. -ent, ce qui tendrait à prouver que dans la seconde, comme l'a pensé M. Meyer', e est une lettre d'appui & non le représentant de la voyelle latine.

A. bevo 112, 291; prometo 19325 podo 4i5, 4415 sabo 1535 volo 1271. Sont de même en -0 tous les inchoaiifs. (Voy. plus haut, 41.)

B. atenden 19325 beven 2915 deven 707, 8635 poden 3285 tenen 3705 venen 566, 10095 volen 2453.

I. Loc. cit., p. 212, n. I.

XLVI INTRODUCTION.

6i. Au parfait, la forme en -o est aussi la plus fréquente de beaiicoup.

A. aui^iro 489; demorero Sçç ; dîssero 564; ^^~ nero 433; partira 697; tirera 5()(); yssira 597.

B. amanesteren 467; aneren 644; bene-:^iren 1071; demanderen 393; disseren ôjo-^ Jugiren io5j j giteren Sgo; meneren 658^ pagueren 6j^ ; regarderen 564; saluderen 5 18; senheren 1071 ; vengueren 5i5; volgueren 655 (une quinzaine d'exeir. pies).

62. Il est resté au prétérit un assez grand nom- bre de formes fortes, appartenant presque toutes à des verbes très usités; ces formes se rencontrent sur- tout à la 3* personne du singulier &. du pluriel :

A. ac 1220; y^c 238, 272 ; y^i 33, 76, 1 1 78 ;yôc 431,896; Jac 1168; mes 48, 261; plac 806, iiSg; près 2176; /70C 269, 1452; saiip 1618; trames 274; tenc 2116; trajs 2496; venc 773, 1080, 2069; vie 239, 2041 ; vo/c 388, 1226, 1257. Lies formes faibles commencent à leur faire concurrence : dissec 52o; Jbrec 1064, 1618; paguec 268 (est peut-être une faute; voy. la note); resseubec 253, 1092; seguic 160; trayssec 701; vignet 1455 ; valguet 2319.

B. agra 1022, i392;/i?/-o 417 ;yoro 1182; pagre 636, 1664; vetigro I43i, 1440, 1728; rigro 633, 1294, 1^93; vira 1604. Les formes faibles concur- rentes sont au moins aussi nombreuses : aguero

. 915, loii; dissera 1012; poguero 655, J20^ pren- guera 738; pre-:^era l6o5, 1728; venguero 916, 1660; viguero 58l, 1087.

Les formes fortes à la i*^^ personne sont rares, sauf

INTRODUCTION. XLVII

pour le verbe subsianiit : Jory ii, 192, etc. 5 cf. ^j^ 192, 3715 trames 273.

Particules. 63. Les formes analogiques d'ad- jectifs en -a donnent naturellement naissance à des adverbes en -amen : notablament 11125 rasonahle- ment 22. Quand deux adverbes en -mente se suivent, le prejuier seul pi end ordinairement le suffixe'} bonamen e devota 17145 honestumen e casta 21995 cf. d'autre part lialment e degudamen 2143.

La négation est redoublée dans ponch ni ges 1059.

64. Parmi les locutions adverbiales, on peut langer les gérondifs accouplés désignant deux ac- tions qui se toni alternativement : dormen velhan 1080; ca-:^en levan 1546^.

IIL Syntaxe.

65. Devant un nom de matière, la préposition de se fait suivre de 1 article xlas bélugas del Juoc 7875 Lo Juoc del solpre } lo puech del solpre i388} lojlum del glas 14445 l^s garbas de la sivada 15475

1. Sur ce phénomène en provençal & en français, voy. Tobler, Vermischte Beitrœge, I, 1* édit., p. 102.

2. Sur cette construction, voy. Schultz-Gora, Zeitsclir. filr rom. Phil., XVI, 3i3, & P. Meyer, Guillaume de la Barre, p. lxxi.

XLVIII INTRODUCTION.

iina rauba de la je 546 ; cf. jorns de testieu^ de Vivern 607-8. De entre également dans les apposi- tions ; mesquina d'armu 1470, 1487, 1834.

66. L'article n'est pas employé devant le subs- tantif/?a/?a 4. Il est omis aussi dans les constructions partitives : no manjo pa 112 5 il est omis même au positif : bevo d'aiga iiSj cf. 8i3.

67. Les syllepses sont extrêmement fréquentes} beaucoup sont fort choquantes Se témoignent de la part de l'écrivain d'une véritable négligence : quant aquel que y vol intrar s'en va a lahun d'aquesti^ prélat-^ e H an dicha \or volutat. Cf. 3o5, 762,773, i3o9, i56i, i562, 2014.

68. L'adjectif qui en modifie un autre est varia- ble, comme en ancien français : tot':^ ardens 7865 ro^Y assegut-^ 1077.

69. Les adjectifs de quantité comme pauc^ tant^ trop, etc., se joignent au substantif par la préposi- tion de, ce qui ne les empêche pas de s'accorder j peut-être serait-il plus exact de dire que ce sont les adverbes qui sont traités comme adjectifs, tout en restant fidèles à leur mode primitif de construction} il y a en tout cas une contamination entre la construction propre à l'adjectif &i celle propre à l'adverbe : mots de companhos 690 , de tnrmens 1684 } pauca devergonha 336 } tants de hostes 1077 } tantas de gens 660, de aventuras 868} tropes d'ale- griers 924} trops de bels ornamens 2254.

70. Devant les verbes impersonnels, le pronom el s'introduit fréquemment comme sujet grammatical ;

INTRODUCTION. XLIX

el te cove 8295 el nos covenra 9865 quant el plaira 10065 el me era semhlan 6045 ^^ me semblée 789.

71. Voici enfin divers emplois du démonstratif particuliers aux dialectes méridionaux : so ciel lor 1958 5 tôt aquo autre 2 258 j so de gran horror 25oo '.

72. L'emploi des modes présente quelques parti- cularités intéressantes : le subjonctif est employé après les conjonctions ou locutions conjonctives com^ coma^ que, « vu que » (288, 749, l3i2) tantost corn, « dès que » (520), tant quant, « aussi longtemps que « (1945). Voici encore un emploi remarquable du subjonctif : en lo temps que sanct Patrici predicava,.. e confermes (44-6), analogue à celui que présenterait en français la phrase : s'il venait et qu^il te dît^.

73. Emploi, fréquent dans les patois modernes, de l'infinitif pour le gérondif : en els regardar 951.

74. Le verbe esser se sert ordinairement d'auxi- liaire à lui-même 5 on trouve pourtant avia estât 2881 } on trouve aussi des exemples d'une tournure singulière qui consiste à construire le temps per- sonnel du verbe esser avec le participe passé de aver : son aguf{ 1786, 1949 (= son estatf)^.

75. Très nombreux emplois de anar comme auxi-

1. Cf. Chabaneau, Deux manuscrits, p. 174.

2. Il y en a probablement un autre exemple après per so que (7-9), mais la construction de la phrase n'est pas assez claire pour qu'on puisse en être sûr.

3. Il y en a d'assez nombreux exemples en Provence & en Dau- phiné, Sainte-Agnès, v. 8i3 (cf. la note de Bartsch); es agu dans le Mystère de Saint-Pons 2294; soi agut dans celui de Saint-André 1625. Cf. Jahrbuch, V, 247. ,

lY

L ÎNTRObUCTION.

liaire, surtout avec l'infinitif, pour marquer le par- fait : T7ie van amonestar SçS j van respondrie 426, 5i6, ioi5j van me dire 966, 1017. Cf. 478, 1200, 1606. On sait que cette tournure a supplanté en catalan le partait proprement dit'.

76. L'accord du participe avec son régime direct se fait d'une façon très libre : il y a de très nom- breux exemples d'accord (27, 106, 126) & de non- accord (216, 83, 1686). Il y a de curieux accords du participe régissant un infinitif, qui nous présentent des exemples d'une faute fréquente aujourd'hui chez les Méridionaux : e aquels... avîan auset-;^ can- tar los angels, io5 j tas amenada [Varma^ e jacha venir ^ 2171. Cf. d'autre part las avia fag venir

223l.

77. 11 y a emploi pléonastique de l'adverbe dans que y penjavan a la roda J^J j y montiei sobre lo pont 889 j ne aja pietat d'aquels 879.

78. Au point de vue du style proprement dit, je me bornerai à faire remarquer l'extrême maladresse de notre auteur : essaie-t-il de construire un-e pé- riode un peu compliquée, il s'y embrouille de la façon la plus lamentable^. Aussi la plupart du temps ne s'y hasarde-t-il point & procède-t-il par accumulation de petites propositions coordonnées; c'est presque invariablement la conjonction et qui lui sert à les relier entre elles, qu'il s'agisse de pro- positions réellement parallèles ou au contraire de

1. Cf. p. Meyer, Guillaume de la Barre, p. lxiv.

2. Voyez celle qui remplit les 1. 7-34 par exemple.

Introduction. li

phrases exprimant des idées toutes différentes. Cet emploi abusif tait ressembler son style à celui d'un conteur de village, qui met tout sur le même plan. Il est très difficile de ponctuer logiquement un style aussi amorphe, & je ne me flatte pas d'y avoir tou- jours réussi '.

79. On peut noter encore le très grand nombre d'inversions, consistant à faire précéder de leurs ré- gimes les verbes ou adjectifs : pausan que no sia a la materia... necessari 295 coma els avian en aquest mon Dieu servit 946 '^ no ly membrava del nom de Dieu envoquar l854j que Varma de ve-^er no s'en podia assadolar 2254. Ce sont là, sans doute, des latinismes, qui n'ont rien d'étonnant à l'époque écrivait l'auteur & qui s'expliquent surtout dans des œuvres traduites du latin.

80. De même que le latin, la langue du Nord commençait aussi à exercer son influence; à côté de remaner^ on trouve la forme française remandre 2261 & très fréquemment, au lieu de pro^ asses. (Voy. au Glossaire.)

Les traits que nous venons d'examiner dans ce long relevé sont loin d'être également importants

I. Il y a des pages entières chaque proposition, ou peu s'en faut, commence par cette éternelle conjonction (voy. par exemple pp. 24, 48, 60, 94). Une particularité plus singulière encore consiste à introduire la conjonction en tête de la proposition principale, même quand celle-ci est précédée d'une proposition conjonctive : e per so que tu yest vengut..., e nos te dirent 970; e cant vie l'angel, e dis enaj^ssi 1456; e enayssi coma los maestres..., e enayssi los demonis fa^ian fondre las armas 1768.

LU INTRODUCTION.

pour la détermination de la provenance d'un texte. Nous allons maintenant revenir sur ceux qui peu- vent fournir à cet égard des indications utiles '.

I. Voici la liste des textes que j'ai consultés & dont il m'aurait été facile de grossir singulièrement le nombre. Mais outre que je dispo- sais d'un temps tort limité, il m'a paru qu'ils per ucttaient d'attein- dre à des conclusions d'une rigueur & d'une certitude suffisantes.

Aude. Registre d'une confrérie de Fanjeaux(a. Castelnaudary) (a. 1266-7), dans Musée des Archives départementales, 90.

Garonne (Haute-). Toulouse. Règle des chanoinesses augiis- tines de Saint-Pantaléon (i358),.p. p. A. Jeanroy, dans Mé- moires de la Société archéologique du midi de la France, t. XVI (1901). Leys d'Amors, p. p. Gatien-Aunould, Tou- louse, 1842.

Lot. Te igitur de Cahors (xhi'-xv" siècles), par L. Combarieu & F. Gangardel, dans Bulletin de la Société des Etudes du Lot, 1876 & années suivantes. Franchises de Béduer (1277), ibid., t. XV (1890). Paix de Gajarc (a. Figeac), dans Musée des Archives, n" 84. Goutumes de Thégra (c. Gramat) (1266), dans Revue de législation ancienne S- moderne, 1870, pp. 5i & suiv. Mémorial des consuls de Alartel {a. Gour- don) (xm* siècle), par H. Teulié, iSgS).

Lot-et-Garonne. Document de Rouyre, près Penne (a. Ville- neuve) (1252), dans Teulet, Layettes du trésor des chartes, t. III, 4020.

Tarn. Albi. Document de 1120, dans Musée des Archives, n" 64. Goutumes d'Albi (1220-64;, dans Giraud, Histoire du droit français, I, 84. Comptes consulaires d'Albi.(i3bg- 60), par A. Vidal & A. Jeanroy, Toulouse, 1900. Les Cartulaires d'Albi, AA, p. p. A. Vidal, dans Revue des lan- gues romanes, 1902, pp. 447 & suiv. Documents de Viaur (a. Gaillac) (i3io), dans Bibliothèque de l'Ecole des chartes, 1846-7, p. 25o. Formule d'un serment prêté à Gaillac (1227), dans Tevlbt, Layettes, t. II, 1920. Divers docu- ments de Cordes (xiv«-xv* siècles), dans Portal, Histoire de la ville de Cordes, Albi, 1903, pp. 58i-6ii. Cartulaire des Templiers de Vaour (a. Gaillac) (xii-'-xiii' siècles), par Cli, Portal & E. Gabié, Albi, 1894.

Tarn-&-Garonne. Goutumes de Larrazet, par E. Gabié, dans Coutumes de la Gascogne toulousaine, p. 1 14. Documents de Moissac (1257), dans Teulet, Layettes, t. III, n" 4337. Goutumes de Mondenard, près Gastelnau-de-Montratier ( 1 246), ibid.,n,n' 35i5.

INTRODUCTION. LUI

Les troisièmes personnes du pluriel en -o,qui l'em- portent de beaucoup sur les autres dans nos textes, fournissent une première indication d'une pré- cision relative. M. P. Meyer ' les a signalées, pour le treizième siècle, dans le Lot & le Lot-5c-Garonne; mais elles gagnèrent, dans la suite, beaucoup de terrain. Je les trouve, en' effet, du treizième au quinzième siècles, dans le Lot (Cahors, Cajarc, Thègia, Martel), le Tarn (Albi, Cordes, Vaour), le Tarn-&-Garonne (Moissac), la Haute-Garonne (Toulouse)^ & jusque dans l'Aude (Fanjeaux).

Les troisièmes personnes singulier du partait en c limitent ce domaine d'une façon un peu plus pré- cise. M. P. Meyer ^ les localise dans l'Aude, l'Ariège, la Haute-Garonne, le Tarn, le Tarn-&-Garonne.

Les particularités dont nous allons maintenant parler occupent une aire à peu près également éten- due, mais les deux aires ne coïncident que dans des limites assez restreintes.

Le développement d'un e ou d'un a entre i long & / se remarque, dit M. Meyer'*, dans tout le Lan- guedoc, le Rouergue & l'Auvergne. « La mutation en zV, dit M. Meyer, est surtout fréquente dans le Bas-Languedoc } celle en ia domine dans l'Albi-

1, Romania, IX, 21 3.

2. Ce sont elles qui dominent dans la Règle des Augustines & les Leys. Les auteurs de celles-ci (II, Sy?) les recommandent, pour la i'" conjugaison, de préférence à celles en -an & autorisent aussi celles en -on; en fait, ils emploient également celles en -o & -on.

1. Daiirel & Béton, p. i.xiii; Guillaume de la Barre, p. lxiv; Roma- nia, XVI II, 425. 4. Daurel & Béton, p. lxi, & Croisade contre les Albigeois, p. cxi.

LIV INTRODUCTION.

geois. » Je trouve aussi celle en ie à Cahors & Cas- tel nau-de-Montratierj celle en ia est, en effet, la plus tréquente à Albi même St dans les environs. (Voy. notamment les Comptes consulaires^ un docu- ment d'Albi de 1820 dans Revue des Langues roma- nes^ 190:, p. 457, & un document de Cordes de 1469 dans Portai, op. cit., p. 599.)

Le changement de j -f- yod est ordinairement considéré comme un trait rouergat' 5 il se rencontre aussi dans le Lot (Cahors, Thégra, Martel, Cajarc), le Tarn (Albi, Vaour), le Ta m -Se- Garonne (Moissac, Larrazet) &l la Haute-Garonne (Toulouse),

La coïncidence des deux séries de phénomènes ne se trouve, comme on le voit, que dans le Quercy, l'Albigeois &c le nord du Toulousain : c'est donc dans cette région qu'il convient de chercher la patrie de nos textes. Voici quels sont les traits qui nous permettront de préciser encore davantage.

Ils rendent le suffixe -arius, -aria par -i^r, -ieîra. Or, dans le nord & l'ouest du Quercy, si -arius est rendu par -ier (ou -fr), -aria se [)rése-nte plutôt sous la formé -iera^. Dans la même région, habeo donne ordinairement ei ^ les futurs & les parfaits faibles sont aussi en ei^ tandis que nous avons ici iei^. Dans cette région enfin, on trouve, aux trois dernières conjugaisons, beaucoup de 3** pers. pi. d'imp. Se de condit. en -îo (Cahors, Thé-

1. p. Meyer, dans Romania, XXIX, 60.

2. Je note pourtant, çà & \a,-ieira à Thégra & Martel.

3. Pourtant doniei (donavi) à Thégra.

INTRODUCTION. LV

gra, Moissac). Nous devonsdonc écarter cette région. Nous trouvons, au contraire, presque constamment -iery -ieira & zVi, aux quatorzième Se quinzième siè- cles, dans TAlbigeois & le nord du Toulousain. Ce dernier traitement, pour les futurs &. les parfaits, est rare à Toulouse même : dans les Deux manuscrits du quatorzième siècle, publiés par MM. Noulet & Chabaneau, -iei du partait est le plus souvent réduit à -ie ' y les Leys d^Amors (II, 877) hésitent entre -iey & -ey. Les premières personnes des futurs, dans les deux textes, sont en -ai. Il y a, du reste, quelques traits proprement toulousains qui manquent ici, par exemple, l'article masculin le^ Se le son chuintant dégagé après Vi dans le groupe csy que les Leys^ abonde ce phénomène, notent par sh^. Je ne crois pas, d'autre part, que l'auteur de notre manus- crit fût d'Albi même : en effet, il ignore presque complètement le changement de eu en au qui se trouve très fréquemment dans les textes d'Albi aux quatorzième 8<. quinzième siècles & qui y a persisté jusqu'aujourd'hui ^. Il ignore également les troi- sièmes personnes plurielles des imparfaits Se condi- tionnels en -aw, très fréquentes à Albi à partir de la fin du quatorzième siècle (aujourd'hui ou)^. Je me détermine donc, en définitive, pour le nord

1. Op. cit., p. 170.

2. Voy. Chabaneau, pp. cit., p. 164, & Leys, II, 186. Des formes comme laicho, laisho se trouvent aussi, mais assez rarement, à Albi & à Viaur.

3. Voy. Comptes consulaires, p. xcv.

4. Voy. op. cit., p. c.

I,VI INTRODUCTION.

du Toulousain ou l'ouest de l'Albigeois, c'est-à-dire pour une région qui comprendrait à peu près, outre toute la partie ouest du Tarn, le nord de la Haute- Garonne, le nord-est de Tarn-&.-Garonne, peut- être aussi l'extrémité sud-est du Lot.

On pourrait faire valoir contre cette opinion deux faits : ce serait d'abord l'absence dans nos textes des troisièmes personnes du fut-ir en -au & l'oscillation, dans le traitement de et latin, entre it & ch.

En ce qui concerne le premier point, je ferai re- marquer que la finale -au^ très fréquente à Albi & dans l'Albigeois aux douzième & treizième siècles (elle aborde, par exemple, dans le Cartulaire de Vaour)^ paraît avoir ensuite perdu beaucoup de ter- rain. M. Meyer, qui l'avait trouvée dans un cadas- tre de 1343, ne l'a plus rencontrée dans les cadas- tres du quinzième S<. du seizième siècles ' j déjà dans les coutumes d'Albi de 1220 Se de 1264, les formes en -an l'emportent} à Cordes, alors que les formes en au^ -ou sont fréquentes au quatorzième siècle, elles disparaissent au quinzième^.

Le groupe et est aujourd'hui rendu à Albi par cA, à Toulouse par it. Mais au quatorzième siècle il y avait, à Toulouse, hésitation, comme le montrent les Leys Se la Règle des Âugustines; Se si eh est constant à Albi même au moyen âge, on trouve au

1. Romania, IX, 196.

2. Ces formes en -azi avaient pénétrer jusqu'à l'oulouse au qua- torzième siècle, car elles sont blâmées par les Leys (11, Sgô),

INTRODUCTION. LVH

moins dans le Cartulaire de Vaour, hésitation entre fâcha & fayta ' .

Les troisièmes personnes pluriel des imparfaits S<. conditionnels sont assez embarrassantes j dans les do- cuments d'archives que j'ai consultés, les imparfaits se présentent, à la i" conjugaison, sous la forme -avan^ aux autres sous la forme -ic, qui sert natu- rellement de flexion au conditionnel \ dans nos textes, il y a oscillation, d'une part entre -avan & -aven^ de l'autre, entre -ian & -ien. Mais, dans les Comptes consulaires^ je trouve concurremment les deux formes -avam 5i -avem pour la i""^ pers. du pluriel, &, à la troisième, -ian très fréquemment à côté de -iau & ~ieu^.

Comme dernière confirmation à la localisation que je viens de proposer, je signalerai deux particu- larités, dont l'une au moins paraît être d'ordre pure- ment graphique, & qui se trouvent à la fois, avec une constance remarquable, dans nos textes Se dans

1. Voy. par exemple p. Sg.

2. Comptes consulaires, p. c. Je trouve la même hésitation entre -avam & -avem, -ian & -iou dans les Mystères provençaux que j'ai publiés avec M. Teullé ( Toulouse, i8g3; voy. p. xli); j'ai cru pou- voir qualitier ces textes de rouergats; j'inclinerais aujourd'hui à les localiser dans la partie du Rouergue vtiisine du Quercy. Ces formes en -aven, -ien sont normales dans le catalan du quinzième siècle. Voy. les documents publiés par M. J. Calmettes en appendice à son livre sur Louis XI, Jean II & la révolution catalane (Toulouse, igoS), documents qui sont précisément de l'époque de nos textes, il serait séduisant de voir là, dans nos textes, une trace de la langue origi- nale; mais seul le Saint-Patrice est sûrement traduit du catalan, & ce serait le seul catalanisme conservé. 11 est plus vraisemblable que les formes en -ien viennent du Bas-Languedoc (voy. Romania, IX, 202) & que ce sont elles, comme je l'ai supposé plus haut (n° 38), qui ont provoqué celles en -aven.

LVIII INTRODUCTION.

tous les documents albigeois du même temps, à savoir l'absence de Ve prosthétique au début des mots commençant par s -\- consonne, & le redouble- ment de s dans le corps des mots après une consonne.

NOTE ADDITIONNELLE.

EXTRAITS de la TRADUCTION LATINE, par O'SULLIVAN, du VOYAGE DE PERELHOS.

Prologue du livre II ^

. . . Ego quidem legi & in quodam ibernico libre & apud divum Dionysium Carthusianum, in opère de quatuor no- vissimis & de judicio animae, historias hominum qui divi Patritii purgatorium viserunt & rursus ad nos gradum revo- carunt, quos silentio iavolvo. Unani referam historiam quam antehoc nunquam, quod ego sciam, latinitate dona- tam inter liturarios {sic") mecs invenio. Itaque, cum agerem in curia catholici régis florentissinia, cura nonnuUis viris eruditis & acerrimis antiquitatis indagatoribus mibi non ingrata familiaritas intercessit. Ex eis unus mihi accommo-

I. L'auteur combat, dans les lignes précédentes, ceux qui mettent en doute la réalité du Purgatoire de saint Patrice.

INTRODUCTION. LIX

davit libellum manuscriptum, qui Ramonis vicecomitis, nobilis Hispani, profectionem in divi Patritii Purgatorium, ibi casus, indidemque reditum continebat. Fuit autem ipse codicillus, inscriptione fidem faciente, ab eodem viceco- mite compositus lemosina lingua (ita vocatur priscum idioma eorum Hispaniae populorum, qui hodie sua lingua Cata- lani nuncupatur) & opéra Fratris Francisci Ximenis, e Franciscana Minorum religione, Episcopi Elnae, & Hiero- solimitani Patriarchae' cum aliis codicibus in unum volumen redactus. Quod volumen typis mandatum Ruscinone, quod oppidum hodie Perpinnana dicitur, in Cœnobio Divi Pa- triarchae Francisci Seraphici, ubi & vicecomes est sepulchro conditus, adhuc extare fertur. Ex hoc lihro fuit vicecomitis historia per interpretem non satis expolitum in castella- num sermonem, qui sua elegantia & propagatione apud Hispanos principatum sibi vindicat, translata. Quam et mihi quidem latinitate libuit donare, quia res est memoria dignissima, cum auditu jucunda & mirabilis, tum peccantis ad meliorem vitae frugem sequendam, numinis observanda praecepta, peccata vitanda, Purgatorii cruciatus timendos mirifice exhortans. Ita vero statui vertere ut quae videan- tur supervacanea & ad rem minime pertinentia praetermit- tam , ea potissimum quae vicecomes ex aliorum sententia refert : nonnullos etiam periodos ex locis mutem, cum stylo minime limati interpretis, in quem incidi, Minervam meara, quamvis rudem, non oporteat adstringi : nec ver- bum verbo, sed sententiam sententiae (sic) reddam, latinis phrasibus, non hispanis usurus : nihil autem addamj deni- que opusculuin totum magis concinnatum & elegans (ni fallor) relinquam. [fol. 14-15.]

I . François Ximénés (Franciscus Eximini), évêque d'Elne et patriar- che de Jérusalem en 1408. Benoît XIII lui donna un successeur le i5 mai 1409. (Eubel, Hierarchia catholica, \, p. 248.)

LX INTRODUCTION.

II.

Passage correspondant à la lacune de notre version.

Vicecomes Hispanus rationem reddit qua est deductus ut Purgatorium adiret.

Cum Carolus Gallise rex, ciijus fidei a pâtre meo moriente commissus sum, naturae jus solvisset, contuli me ad Johan- neni Tarraconensis Hispaniae regem, ciijus fui jure gentium cliens et subditus, quod ejus regni finibus possessiones meae continentur. Is me maximi semper fecit, tantumque amavit quantum ullus unquam regum clientem dilexit. Ac ego quidem paria cum rege feci mutuo erga eum amore. Fui primum ejus equiso {sic; corr. eques), deinde ab eodem triremibus tribus praefectus Clementi Pontifici Maxime suppetias missus Post Clementis obitum cum successori ejus Bénédicte decimo tertio Papae militarem, régis impe- rio, de régis ipsius interitu mihi fuit allatum. Que tristis- simo nuncio vehementer perculsus, flagrabam studio cog- noscendi, quo in statu foret anima régis, quasve, si in Purgatorio forsitan esset, pœnas sustineret. Igitur ea, quae de divi Patritii Purgatorio sepe audieram memoria repetens, illud animo statui visere, motus causa, cum expediendi an ibi de rege aliquid certi haberem, cum scelerum meorum a Deo veniam adipiscendi.

Vicecomes, quando sit profectus et qua venerit ad Purgatorium, rejert.

Jam vero quam arduam atque difficilem rem susceperim, quam invilis atque repugnantibus, cum aliis, tum illis

INTRODUCTION. LXI

quibus plurimum debebara, id oneris mihi imposuerim, quaque iter fecerim doiiec Purgatorii antruni fuerim ingressus, breviter despiciamus (sic). Principio quidem ratus officie me non satisfacturum si summo Pontifice ins- cio peregre proficiscerer, illi consiliuni meum exposui et ab eodeni ut discedendi mihi potestatem faceret, petivi. Sed ille tantopere mihi repugnavit ut vix repererim quemad- niodura jussis ejus resisterem. l'd unum mihi propugnaculo fuit, quod quo magis me jubebat ab incœpto désistera, contra eo summissius et abjectius ego illum rogabam ut mihi par eum incœptis liceret insistera. Itaqua cum assi- duae et importunissimae efflagitationes meae Pontificis Maximi Benedicti decimi tertii imperium vicissent, ajus- demque benedictione roborarar, Avanione, ubi tune erat, proficiscor anno post ortum Domini vigasimo octavo supra millesimum tercentesimum, mense septenibri, eo die, qui nomine divae Virginis sacer refertur in fastos, sub vespe- rum. [fol. 18-19.]

ADDITIONS ET CORRECTIONS

Page XVII, 1. il. La traduction de O'Sullivan ne porte pas la date de iSgS, mais celle de iSzS (voy. p. lxi, I. i5), qui est certaine- ment erronée.

Lix, n. i. Ce Francisco Ximénés est l'auteur d'un Liber pasto-

ralis, dont il y a un manuscrit à la Bibl. munie, de Toulouse (n" 39S). Cf. Antonio, Bibliotheca hispana vêtus, II, 1 5 1 .

Ligne 11 32 puscan] le manuscrit apuscam.

1544. par tem] corr. partant {}).

1621 por] manuscrit /;er.

VOYAGE AU PURGATOIRE

DE SAINT PATRICE

VOYAGE AU PURGATOIRE

DE SAINT PATRICE

PROLOGUE

L'auteur nous renseigne sur lui-même et ses voyages Division de l'ouvrage. - et invention du Purgatoire

Division de l'ouvrage. Vie de saint Patrice

[fol. 1 r^j In nomîne ^anctc et indiv'idue Trînîtatîs. Amen, En l'an de la nativitat de nostre Seiihor mial ccc xc viii, la vespra de sancta Maria de septembre, obtenguda bene- dictio de papa Benezeyt XIII^, partigui de la ciutat d'Avinho, ieii Ramon, per la gracia de Dieu vesconte de Perilhos e de Roda, senher de la baronia de Serret, per anar al purgatori de sanct Patrici. Et per so que totz los homes del mon desiran saber causas estranhas e meravilhas,

6 isenher] ms. ssh" 8 Le mot mon est figuré par un cercle sur- monté d'une petite croix

4 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

que sian plus plasens naturalnient aquelas que hom pot

lo saber per vista que aquelas que hom pot saber per ausir dire, per aquesta razo , ieu , que en mon jovea fory noyrlt am lo Rey Karles de Franssa, am loqual mossenhcr mon payre me laysset, loqual era son amiralh e camar- lenc, e en aquela cort ieu am totz los cavalhiers e scudiers

i5 de son reaime e dels [fol. 1 v^j autres reaimes volia saber volentier e esser enformat de las causas meravilhozas, variablas e estranhas que so per lo mon, e agui lo cor mot enclinat de saber per vista so que avia ausit dire a diverses cavalhiers, e de fait ieu m[e]' mezi a seguir las aventuras

20 del mon per totas las terras de crestias e de infizels, tant Sarrasis quant d'autres de diversas sectas que son per lo mon, ont rasonablament se pot anar, en tant que per la gracia de Dieu la major part de las causas que ieu avia ausidas retrayre estranhas e meravilhozas ieu hiey [vistas]

25 tant en terra quant en raar, e d'aquelas per vista podi far vertadieyra fe, e iei sostengut grans perilhs e despens, tant en terra quant en mar, e motz trebalhs e preysos suffertadas en terra de Sarrazis e de Crestias, lasquals recitar non curi, pausan que no sia en la materia que ieu vuelh seguir

3o necessari : tant soletament voli tocar del viage [fol. 2 r°] del purgatori de sanct Patrici, que es en las encontradas de Ybernia, loqual viatge am la ajuda de Dieu ieu ay fait e complit en tant coma jamay home no fes depueys la mort

19 e a disparu par suite d'une piqûre de ver 24 Déchirure dans le ms. 33 no] ne

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. D

de sanct Patrici ; e aquesta contariey e recitariey en

35 iiil- manieyras : primieyrament per que sanct Patrici or- denec lo purgatorij segondamen en quai partida es; tersa- ment per quai razo ieu me mezi al cor de intrar en lodit purgatorij quartamen calas causas ieu ay vistas ny trobadas en lodit purgatorî, aquelas que.revelar se podo, car causas

40 y ha que no plassia a Dieu que per my sian reveladas,

quar non [es] expedien ni a Dieu plaseut, e aysso per lo

perilh que s'en pot enseguir an aquel que las revelaria o

an aquels als quais serian reveladas, loqual es inreparable.

En lo temps que sanct Patrici [fol. 2 V^j predicava lo

45 sanct evangeli en Ybernia, loqual nos appelam Yrlahda, e confermes sa predicatio per meravilhozes miracles, sanct Patrici trobec en aquela terra ayssi mudas e salvatgias gens coma si fosso bestias, e mes mot gran trebalh e pena a essenhar los e covertir los a la fe de nostre Senhor Dieu

3o Jheju Christ 'y e soven lor parlava de las penas de yffern e de la gloria de paradis per retener los de lor méscrezénssa e de lors peccatz, per los confermar en bona vida; mas tôt aysso no valia res, car els dizian que no [o]crezian, seno que alcus d'els viguesso la gloria dels bos e las dolors dels mais,

35 ny no se volian téner a la promissio de sanct Patrici, que mot avia l'entendement vas Dieu : e per aysso lo prodom comensec a dejunar, velhar e far oracio a Dieu e motz autres bes per la salut de las armas del poble; e nostre Senhor ly apparec ayssi coma î^fol. 3 r"] avia fait d'autras

41 Alinéa dans le ms.; initiale peinte 45 loqual] cot-r. laquala (?) 47 mudas] corr. nudas (?) cf. 331.

0 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

60 vegadas, e lybaylec lo libre delEvangeli e i- basto, e aques- tas causas teno en Yrlanda per grans relequias, ayssi coma es degut Lo basto a nom lo basto de Jhejus, per so qiie el lo donec a son servidor, e a la vida meteyssa.,. ne fa testimoni que home que aja aquest libre ny aquest basto, es senhal

65 que es appostol de Ybernia. Apres nostre Senher lo amenée en •!• loc désert e ly mostrec una fossa redonda e scura dedins, e ly dis que qui intraria dedins ver confes e pene- den séria quiti en i- jorn e en l^^- nuoch de totz sos pec- catz .6 veyria los turmens dels malvatz e los gaugz e la

70 gloria dels bos. E, aysso dig, nostre Senher [des]apparec al prodom, e foc fort alegre de so que nostre Senhor ly ac dig e cant ly mostrada la fossa per que el poyria convertir las gens. E adonc fes comensar una glieya près d'aquel loc, e mes y canonges reglars, e fes a la [fol. 3 V°] fossa bonas

75 portas, e tofa la yla es clausa d'ayga d'un gran estanch ben prion, e fes entorn la fossa sementeri, e fec la dicha fossa tancar am clau, per tal que negun non y intres ses licencia, e fec la claure devas Orient de mur, e la clau comandec al prio de la glieysa. Motas gens y int[r]ero en la dita fossa

80 en lo temps de sanct Patrici per penedenssa delors peccatz, e dizian, cant eran tornatz, que avian vistz e suffertatz motz grans turmens e greus, e mot gaug e bêlas glorias

63 Lacune probable de un ou deux tnots; le sujet de fa manque; cf. A : de hiis eciam in vita sancti Malachie scriptum invonimus 70 desaparec] La correction est suggérée par le texte latin autant que par la suite du récit : cf. kC : sicque...- domino disparente 75-6 e tota... prion. Ces mots, qui manquent dans le latin, parais- sent être une glose empruntée à un autre passage; cf. 380

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. 7

visfz e ausit, e s^nct Patrici fazia mètre totz los reportz en scrich dins la glieya. Apres, el recomandava al poble totas

85 las causas per lo testimoni d'aquel que y era entrât; e es appelada la fossa de pu.rgptori per so que hom y purga sos peccatzj e per so [c]ar foc mostrada a sanct Patrici pri- mieyrament per nojtre Senhor [iol. 4 r"] es apelat purgatori de sanct Patrici; e de aquesta religio a diverses monestiers

90 en la yla, grans e solemnes, majors que aqud ont es lo purgatori.

Le premier successeur de saint Pati'ice.

II. Lo primier prie que foc de la glieya era mot bon prodome e de bona vida ; e fes far una habitacio de près lo dorniido ont dormian los canonges, car el era mot vielh e

93 no avia may -i». den, e no volia pas que los joves ly fezesso ni lo aguesso en squern ni en déspieg per sa vilhesa e que no ly fesso negun enuoch, car sanct Gregori dis que, non obstant que lo vielh home no sia plus malaut, si es el tostemps pluj enic e enujos per sa vilheza que los joves; e

100 visitavo lo soven e ly dizian per joc : « Payre, cant volrias vos estar en aquest segle ? » E el respondia ; « Mon filh,

85 Corr. d'aquels que i eran entrais (?); cf. G : eorum attestations cseperunt alii béate prsedicationem suscipere 87 car] Piqûre de ver 88-91 Cette phrase \paraU être sortie, par un bizarre contre- sens, du texte de A : ecclesie locus regularis (G Eeglis) dicitur 95-7 Le texte latin n'a pas été compris; il dit ici exactement le contraire

5 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

ieu amaria may, se plasia a Dieu, de partir tantost d'aquest setgle que se y estava longament, car non y aguy jamay si- no dolor e caytivifat, e delà [fol. 4 v°] en l'autre setgle no

io5 trobariey sino gloria. » E aquels que ly o demandaven soven avian ausitz cantar los angels en la habitacio del prodom, e las canssos que dizian los angels eran aytals : « Benazeyt yest tu e benazeyta sia la teua dent de ta boca que no toca viandas delectablas », car lo prodom no

iio manjava sino pa sec, aital coma se fa en aquela terra, que se fa de sivada; d'aquest pa ma«ja i- home -x- o Xlï- mealhas per jorn; mas comunamen no ma«jo pa ni bevo vy, an vivo de carn de buou e bevo d'ayga e los grans senhors bevo layt segon que plus a pie resitariey en son

ii5 [locj. Ayssi meteys lo prodom bevia ayga freja e l'endarrier enaqui a[c] passada sa vida, e anec a nostre Senhor enaqui coma tostemps avia desiderat. E al temps de sanct Patrici e après, el fazia mètre en scrich tôt so que avian vist aqnels que intravo en la fossa, e alcus non tornavan, e eran pe-

120 ritz per so car non eran estatzferms en la fe. *

Conditions requises pour entrer au Purgatoire.

III. La costuma es tala que negun non y pot [fol. 5 r°] i ntrar sino per purgar sos peccatz e am licencia del evesque

110-5 aital... loc. Ce passage manque dans le latin; cf. plus loin 290 e< 342 117 el] corr. els {c.-à-d. les chanoines) fazian...; cf. A : redeuncium autem narraciones et dicta a canonicis loci illius sunt in monasterio conscripta.

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. Q

e del archivesque d'Armanhac, que es primat en Yrlanda, e lo avesque es aquel en la diocesa del quai es lopurgatorij e

125 quant aquel que y vol intrar s'en va a lahun d'aquestz prelatz e ly an dicha lor voluntat, primieyrament lor acosselha que per res no y vuelho intrar e lor ditz que motz y son intratz que no son tornatz, e. si lo home non vol layssar de y intrar, el ly dona sas letras e lo envia al

i3o prio de la glieya, e cant lo prio a legidas las letras, el ly dis sa voluntat e ly delauza mot la intrada e ly accosselha mot de non intrar e que elegisca autra penedenssa, car motz d'autres y son anatz que y son peritz; e si lo prio ve que non lo puesca dostar de son prepaus, el lo fay

i35 intrar dedins la glieyza e lo fay estar per cert temps en penedenssa e en oracio, e al cap del temps el ajusta tofz les clergues e canta una messa lo mati en la glieysa , e l'home que vol [fol. 5 v°] intrar dins la fossa recep lo cors de Jheju Chmt e pren de l'aiga senhada, enayssi

140 coma sanct Patrici ordenecj après lo mena lo prio e totz los clergues a la porta del purgatori am la processio cantan las letanhas, e adonc lo prio ly obre la porta e ly dis lo perilh ont el vol intrar ny se vol mètre, e cossi los malignes speritz ly assalhiran e lo conbatran, e cossi motz

145 y son peritz; e si no vol estar per aquo que no y intre, aladonc lo senhan e lo benezissen totz los cappelas que aqui son, e els se recomanda a lors oracios, e senha se, e pren comjatz, e intra en la fossa. E lo prio tanqua la porta

1^ armanliac] corr. Armac 127 acosselha] acosselho

10 VOYAGE DE RAIMON DE PERELIIOS

après el, e la processio en tornaj e l'endema per le mati torno totz les clergues a la fessa, e le prie obre la porta, e si lo home es trobat, els lo ne nienan an gran gaug, e esta aqui lo temps que ly playj e si non es trobat en aquela hora meteyssa que el intra lo jorn d'avan, els sabo cer- tanamen que el

Voyage de l'auteur. Son entrée au Purgatoire.

i55 [fol. 6 ro] IV. per sa ... .

me deldit ss

de Valencia, e vengui

que es de mon patrimoni e del vescont

i6o de Perilhosj e seguic se la mort de papa Clemens, que era del linatge deZ conte de Guiena, e paucz dias après foc

fâcha

[fol. 6 Vj quel

ament e le

i65 enezeyt me trames

ges mandan me anar devers el

per servir. E enayssi o fezy, loqual ieu serviguy am licencia de mon dig scnhor lo rey. Endevenc se que, ieu estan am [fol. 7 r°] lo papa, lo sobredig rey don Johan, mon na-

153 intra] corr. intrec 155 ss. Toute la partie supérieure du fol. 6 est arrachée; il n'en reste que les quatre dernières lignes et les premiers (au recto) et derniers mots {au verso) des lignes précé- dentes— 161 Guiena] corr. Genova. Cf. à l'Index des noms.

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. l I

170 tural senhor moric, de laquai mort otra lo voler de Dieu ieu fory mot doloyros e trist, aytant corn negus scrvidor pot esser de la mort de son senhor, meten me al cor en aquela hora que ieu aues en lo purgatori de sanct Patrici e que y intres per saber, se far se podia, se atrobero mos-

175 senhor en purgatori e las penas que suffria. E en aysso me emageniey las causas e las razos que avia ausit dire a alcus del purgatori, e après alcus dias d'aquesta voluntat que ieu avia de anar e de intrar en lo dig purgatori, per via de confessio parliey am lo papa, dizen ly tota ma en-

180 tencio, loqual mot fort me squivet e me devedet que per res del mon ieu no o essagesj e otra se qu'el me dis, m'o fec dire a alcus cardenals sos przvat[z] e especialment a dos : la •!• era de titolat de Tarascona, que era del linatge que lo sobrenom se appela Galnielho, l'autre [fol. 7 v°j

i85 cardenal se appelava Josue de sanct' Alena, E presen I- frayre me[u], appelât mossenhor Pos de Perilhos, lo

papa fort me amonestet de non y anar en tant que ayssi

fort me tenguero que a penas lor pogui scaparj en après alcuns jorns, ieu parliey am lo papa, dizen ly que per res

190 ieu no layssaria aquest viatge; e obtenguda sa benedictio, partivi lo jorn de sancta Maria de septembre, l'an dessus dit, e fy mon camy per Franssa. E fory a la cort del rey a Paris, del quai ieu era antic servidor, e ayssi meteys era son camarlenc e son payre que ayssi meteys me avia

195 noyrit, e de état fort jove ayssi meteys fori son camarlenc;

185 Alinéa,' initiale peinte 194 Suppléez : e [de] son payre (?)

12 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

e del rey de Franssa, de sos oncles e frayres, del duc de Befry e de Borgonha ieu aguy letras de recomandacio al rey d'Anglaterra, que era son gendre, e autres senhors d'Englaterra... comensan lo matremoni^ avian faytas trevas de XXX ans.

Ieu parti de Paris [fol. 8 r°] e per mas jornadas fory a Calays, ont me mesy en mar per passar en Englaterra, ont fory lo jorn de Totz Santz. D aqui parti, fazen mon camy per Londres, passant per sanct Thomas de Conturbîe; de

Londres agui novelas que lo Rey de Englaterra era en

gran parc enclaus, ayssi com lo bosc de Vinceynas près Paris, appelât Got, près Ocsonia viii- milhas, ont a gran studi, loqual loc los Engleses appelo Estancfortj de laquai

part es fort bel, e lo rey y ha mot fort e bel hostal e

grans cazas dedins. E per las letras que ieu portava del rey de Franssa fory ben fort resseubut, e me fero fort per lo rey gran honor, e me fero guidar e ben anar segur per tôt son règne, loqual ieu travessiey tôt ses repausar. Es vertat que am lo rey demoriey X- dias ; partivi de la cort e fory per mas jornadas en una encontrada appelada Ses- trexier, que es en [la] marcha [fol. 8 V"] de Galas; fory en la ciutat Xistier e aqui ieu loguiey una nau per passar en Yrlanda, am laquai ieu montiey la costa de Galas; fory en •I loc appelât Olyet; d'aqui parti e travessiey lo golfo am bel ven entro la via de Yrlanda,.., de espalege en la yla d'Arman, que foc del rey de C- cavalhiers en lo temps

199, 205, 209, 220 Lacunes que l'interruption du sens invite à sup- poser— 211 ben fort] corr. fort be (?)

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. l3

del rey Artus, e al jorn de huey es be poblada e es del rey de Englaterra; e d'aqui tostemps travessiey an bon temps, e aribiey en Irlanda al cap de alcuns jorns de espalege,

225 davant la ciutat de Belvi, que es asses gran ciutat. E aqui ieu trobiey lo comte de la Marcha, que era cosi germa del rey Rechart d'Englatcrra e de la regina, al cal ieu dissi ma entencio del viatge que ieu volia far; loqual me reculhic mot nofablament, per las letras del rey de Englaterra e de

23o la regina, loqual me descosselhec fort lo viatge, dizen que per dos razos ieu no dévia far lodig viatge : la primieyra [fol. 9 r^j es que ieu avia a ffar grau camy e passar per ter- ras de gens salvatgas, lasquals iion avian regimen de gen en que negus se degues fizar; l'autra raso era que la iutrada

2?5 del purgatori era mot perilhoza causa e mot[s] bon[s] cava- lierfsj se erafn] perdut[zj que uon eran tornatz; ayssi que per res no volgues temptar Dieu ny enganar me meteys. De contrastar a ma anada lodit comte fec [son] poder, e cant el vie que ieu era ayssi enclinat, el me donec de sos rossis

240 e de sas joyas, e me baylec dos de sos scudiers, lahun appelât Johan Dirai, loqual me menet per la terra que lo rey d''Englaterra te en Yrlanda (e tant coma me cavalguiey no me layssec res despendre, pausan que el me fazia lo despens a mon desplaser), e l'autre appelât Johan Talabot

245 que sabia la lenga de Yrlanda, que era mon trocheman ; e aquestz dos avian mandament de me menar al archivesque d'Armanhac, e ayssi [fol. 9 V*^] o feron, loqual es primat en

247 armanhac] armac

14 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

la yla, e los Ginoeses lo teno coma papa. Loqual ieu trobiey en la vila de Diondaii, laquai es ayssi gran coma

25o Puegsarda o Tarragona. Los sobredigz me presentero al archivesque, al quai ieu bayliey letras del rey e regina d'Anglaterra e ayssi meteys del comte de la Marcha, e lodit archivesque me resseubec mot be e me fes gran honor; loqual, après que ac saubuda ma voluntat, me deslauzec

255 fort mon viatge, e me amonestec fort de non y anar, dizen que otra lo perilh que era en la intrada del purgatori, el ni negun no me poyria far segur pcr la terra del rey Yrnel ni d'autres senhors, per las terras delsquals avia a passar avans que fos al purgatori; e si no me volia perdre de

260 certa sciencia, que per res non o essages ; e après el me mes en lo revestiari de la gran glieya, ont el mot me amo- nsstec [fol. 10 r°] e me preguet que per res ieu no volgues intrar al dig purgatori, disen me mot de perilhz e de scan- dols que se son seguitz a diverses dins lo purgatori, que se

265 ero perdutzj e encaras me dis totz los perilhs que se podo endevenir ny y son, alsquals ieu respondiey segon que Dieus me avia aministrat, afferman que jamay no layssaria mon camy; e cant vie que de ma oppinio no me poguec revocar, donec me tôt l'endressament que poc, e me donec

270 licencia, e me cofesset, e presi de sa ma nostre Senhor fort secretament, e dis me que dins la semmana el séria en una vila appelada Dandela e ayssi o fec. Ieu de presen parti d'el, e fory en la dita vila, e d'aqui trames al rey Yrnel que

368 poguec] corr. pogues (?)

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. l5

era en la ciutat d'Armach, loqual de fait me trames sal

275 conduch e hun de sos cavalhiers e i- autre de sos messa- ges per coiidure me entro [fol. 10 v"] que fos amb el. E lo archivesque venc al dig jorn e menée be -c- homes d'armas armatz a la lor manieyra per acompanhar me, e baylec me hun autre trocheman, cosi germa de Johan Talabot, loqual

280 avia nom Thomas Talabot; e am los c- homes d'armas ieu intriey en la terra dels iretges salvatges, ont lo rey Yrnel senhorejava. E cantagui cavalgadas calque V- legas, losditz homes no auzero passar plus avant, com fosso totz grans enemixz; ayssi que els se demorero en l- pueg, e ieu

285 presi lo comjat e aniey avant. E après que aguy anada qualque miega lega, trobiey lo conestable del rey Yrnel be am c- [homes] a caval, armatz ayssi meteys a la lor ma- nieyra, am loqual ieu parliey. E partivi de luy e fory am lo rey, loqual me reculhic be segon la lor manieyra e me

290 trames presen de manjar, so es carn de buou, car els non [fol. 11 r°] manjo pa ny bevo vy, car no n'an; mays beven ayga, e los grans senhors bevo per nobleza layt, e alcus del broet de la carn. E per tal que las lors costumas son a vos asses estranhas, lo plus cort que poyriey vos contariey

295 alcuna causa de lors conditios e manieyras, e de so que ieu viguy am lo rey, am loqual a mon retorn tenguy la festa de Nadal, pausat que al anar, cant fory lo primier cop amb el, ne agues asses vist.

Es vertat que lo rey ve per successio, e a diverses

299 Alinéa; initiale peinte

l6 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

3oo reys en aque[Ia] yla, laquai es ayssi gran coma la yla de Eiiglaterra; empero lo major es aquest Yrnel, e totz los autres son de son linatge vengutz. Aquest a beu xl- homes a caval, cavalgan ses cela am -i- coyssi, e cascun porta man- tas entretalhadas; segou que es, [fol. 11 V] els se armo de

3c)5 quota de malha, e porto las senchadas, e an gorgeyreta de malha e capelinas redondas de ferr an espazas e cotelhs e lansas fort loiiguas, empero so fort primas a la manieyra de las lansas antiquas e an dos brassas; las spazas son aytals coma aquelas dels Sarrazis, que nos autres appelam

3io geiiezes; lo pom e la crotz son d'autra manieyra : lo pom es aytal coma una ma estenduda, los cotelhs son lonxz e estregz ayssi coma lo det merme, e so tortz e talho fort be. Aquesta es la manieyra de lor arma, e alcus se ajudo de arx, que son ayssi petitz coma mieg arc de Englaterraj

3i5 empero fan ayssi gran cop coma los Englezes, e son ayssi ben arditz, e a lonc temps que guerrejo am los Engleses, e lo rey de Englaterra non pot venir a cap. Pausan que y aja diversas d'autras batalhas, lor ma- [fol. 12 r°] nieyra de guerreja es semblan d'aquela dels Sarrazis, e enayssi

320 cridan. E van vestitz los grans senhors am una cotha ses dobladura entro al ginolh e fort escolatada a guisa de fem- nas, e porto grans capayros que duro entro al correg, e porto (los vestitz) la cogula ayssi estrecha coma lo det; no porto caussas ni sabatos, ni porto bragas, an se causso

325 los espc-[rjos sobre los talos nutz. E en aquest estât era lo

310 genezesj corr. genoezas (?)

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. IJ

rey lo jorn de Nadal, e totz los clergues e cavaliers, aves- ques e abatz, e de grans senhors. Los cornus vaii ayssi coma poden, mal vestitz, empero totz los majors porto mantels de flissa j e mostro totas las partz vergonhozas,

33o tant las femnas quant los homes. Las paubras gens van nudas, empero totz porto d'aquels mantels, avols o bos, e ayssi meteys las donas [foL 12 V"]. La regina e sa filha e sa sor ero vestidas e ligadas de vertj empero las domay- zelhas de la regina, que ero ben -XX- , ero descaussas, e ero

333 enayssi vestidas coma vos hiey dit dessus, e mostravo tôt quant avien an tan pauca de vergonha coma de mostra la cara. E avia am lo rey qualque très melia rossis, e mota paubra gent, alsquals fazia lo rey mot grans almoynas de carn de biiou. E son dels plus bels homes e de las plus

340 bêlas femnas que ieu aja vistas en part del mon. Els no semeno negun blat, ni non reculhisso pont de vy, solamen lor vida es de carn de buou, e los grans senhors bevo layt, e los autres del broet de la carn, é lo» comus ayga, e an pro boder, com totas lors carns sian de buous e de

345 vaquas e de bos rossis. Lo dia de Nadal, segon que dizian los trochemans e alcus autres que sabian parlar laty, ténia cort lo rey; empero la seua taula non era seno jonc sten- dut per terra, mas de près el ly metian erba plus delicada per torca la boca [foL 13 r°], e portavan ly la vianda sobre

35o bastos, ayssi coma hom porta semais : podes pessar cossi los scudiers eran abilhatz, Dieus o sap. Las bestias no

327 abatz e] supplées motz ou mot de

15 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

ma/ijavo seno erba en loc de sivada e la fuelha dels agref- fols, laquai torran huii pauc, per las spinas que son a la fuelha. E aysso suffis cant a las lors costumas, car plus

355 no n'entendi parlar. Lo rey me reculhic fort be e me trames •I- buou e lo seu quoc. De pa ny de vy non avia en tota sa cort, empero per gran presen me trames dos fogassetz ayssi prims coma neulas, e plegaven se ayssi coma pasta cruza, e ero de sivada e de terra, ayssi nègres coma carbos, be que

36o eran saborozes. Lo rey me donec sal conduch per passar per sa terra e per sas gens a pe e a caval, e parlée mot an my, demandan me fort dels reys crestias, e especialment del rey de Franssa e de Arago e de Castela e de lors costu- mas e de lors manieyras de vieure- e segon que me aparia

365 [fol. 13 V] per sas paraulas, els teno las lors costumas melhors e plus perfieytas del mon. Lors hostals son comu- nament, e la major part, près dels buous; e am los buous fan lors hostals e cascun dia se van mudan per los erbatges; a la manieyra dels alams de Barbaria o de la terra del

370 Sauda, yssian els hun dia de lors vilas, e van mots essems.

De la cort del rey ieu parti e fi mon camy per diversas

terras entro una de lors vilas appelada la Processio. A

neguna persona no fazian mal, ant an be en gran devotio

Sanct Patrici e [d]es lonc [temps] entre los realraes e los

375 reys tenen aquela vila segura, e los pelegris que lay van es forssa de layssar aqui lors bestias , car non poyrien passar las montanhas ny las aygas rossis ni autras bestias. Enayssi que d'aqui, . . ieu aniey a pe d'aqui a la vila ont es lo priorat, e dins lo priorat es lo purgatori, e a hy

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. IQ

38o i grau lac prion, ont es la dicha yla. L'ayga [fol. 14 r'^] es bona a heure, e dins lo lac a diversas autras ylas. Las aygas son tant grandas en la yla que sobre las plus nautas nion- tanhas a penas pot hom passar per las aygas, an s'en intra hom entro al ginolh, ayssi que a pe y ha gran pena, e a

385 .caval mot major, e séria merayilhas que hom ne pogues passar, Parten me de la Processio, lo senhor del loc, que es gran senhor, e son frayre, que avian gran devotio a sanct Patrici e ajudo mot a endressar les pelegris, vole anar an my, e me acompanhec entro lo monestier, ont ieu

Sgo fory mot fort resseubut. Passiey lo lac am l- barca d'un fust cavat, car autras barcas non y avia. Lo senhor de la Processio e lo prio que aqui era se tenian essems. De mantenen que ieu fory en lo monestier, me demanderen si ieu volia intrar en la purgatori, e ieu respondiey que oc;

395 e adonc els me van fort amonestar que per res non y vol- gues intrar ny temptar Dieu [fol. 14 V°], com tant solamenf non y agues... del cors, mas del cors e de l'arma, que monta plus, dizen e mostran me los perilhs e las fossas d'aquels que y son mortz. E cant els viro mon fort prepaus, els me

400 dissero , e specialment lo prio, que convenia que ieu fezes segon las ordenanssas del monestier, ayssi coma sanct Patrici avia ordenat e sos predecessors, segon que es en lo Capitol que parla de sanct Patrici. E ayssi ieu fezi., segon lor ord[en]enssa e cove a ffar, am gran devot[i]o, tôt

4o5 so que fan aquels que per malautias o per autres perilhs esperan la mort. E tôt aysso fach , am gran processio els acostumaven de menar a la glieya aquel que y intra. E

20 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

tostemps me amonestavo fort que per res ieu non y volgues iutrar, e que révoques ma intrada, e que per purgar mos

410 peccatz me volgues mètre eu alcuna [fol. 15 r°] religio per servir los frayres o per esser religios, e no me volgues mètre en tant gran perilh. E faitas totas las ordenatios en la glieyza, segon que davant iey ressitat, que sanct Patrici ordenec, tôt aysso fait, els, am totz los clergues que aver se

41 5 podo de la encontrada, canto gran mati lor messa de requiem en aquel que intra dédias. E tôt sb que si apertenia els fero a my. E estant en la glieya ieu parliey am hung nebot meu, filh de ma sor, e era del linatge de Sentelhas, e era doctor, e am dos filhs meus, delsquals lo major avia nom

420 Loys, e l'autre Ramon^ e an ma companhia e servidos. Els ayssi ordenero de lor retorn, al quas que Dieu fezes sa voluntat de my, e bayliei a mossenhor Bernât de Sentelha, mon nebot, mon testamen , loqual era sacresta de Ma- Ihorca. E tôt aysso fait, lo prio [fol. 15 v^] e los frayres e

425 lo senhor de la Processio me demanderen, en cas que ieu moris, ont volia esser sosterratj e ieu vau lor respondre que la terra era lo sépulcre dels mortz e que aysso ieu remetia a els. E am la dicha processio els me meneren a la porta del purgatori, e aqui ieu fezi iiii- cavalhiers, dels-

43o quais los dos foron mos filhz, los autres dos foron -i- Engles, apelat mossenhor Thomas, e l'autre foc mossenhor Peyre Masco del règne de Valencia. E après cantem las letanias, e me donero de l'ayga senhada, e lo prio me obric la porta

482 cantem] corr. canteren (?)

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. 21

e dis me talas paraulas davant totz aquels que y eran :

435 « Vec vos lo loc ont vos voletz intrar e anar, mas si vos me voletz creyre mon cosselh, vos von tornaretz areyre, e emendaretz en alcuna manieyra vostra vida en aquest set- gle, car motz homes y son intratz que jamay non torneren, an so perit[z] [fol. 16 r°J en cors e en arma, per so car non

440 an aguda ferma crezenssa en Dieu ihesu Christ, e per aysso els non podo suffrir los turmens que lay son. Totas vega- das se vos y voletz intrar, ieu diriey so que y trobaretz. » E aladonc ieu dissi ly que ses falha, am lo voler de Dieu, ieu y intraria per purgar mos peccatzj e alavetz el me

445 dis : « Del fag de la fossa no vos voly redire, car vos vesen trobaretz... mas en alcun loc Dieus enviara sos messatges, que vos ensenharan tôt so que deuretz far; e tantost s'en yran e vos layssaran tôt sa e sal coma ayssi etz, coma an fag [an] aquels que davant vos y son intratz. » E alavetz ieu

45o prezi comjat de totz aquels que aqui eran, e los bayziey en la boca, e comandiey me a Dieu, e intriey dedins; e der- reyre my intrec hun cavalier, apelat mossenhor Guilhem, senhor de Corsi, loqual era nomnat, e era lo major home e sa molher la fol. 16 V"] major dama que fossen entora la

455 regina d'Englaterra, que era filha del rey de Franssa. E totas las causas que far se apertenian a la intrada fec an my, ayssi meteys coma ieu. Los frayres nos amonesteren fort que no parlessen l'un am l'autre, e, be que las paraulas els perilhs que tant me eron estatz ditz dels diverses turmens

^On per losquals aquels que intratz y eran se eran perdutz e peritz me mezeren asses doptes en lo cor e eu l'entende-

22 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

ment, mas la gran voluntat que ieu avia de saber lo esta- ment en que lo rey mon senhor era, e ayssi meteys de purgar mos peccatz me fazia oblidar tôt so que endevenir

465 me podia, e recomandiey me a las bonas oratios del[s] bos prodoms, e garnigui me de fe e de crezenssa lo mielhs que pogui, e senhiey me del senhal de la crotz, e coniandiey me a Dieu, e intriey dedins lo purgatori, e mon companho après [fol. 17 r^]. E lo prio tanqua la porta e s'en torna am

470 SOS clergues a la glteya.

Quant ieu fory dedins la fossa, ieu trobiey tantost a la fossa cap, e non ac de lonc se no qualque dos canas de Montpeylierj e la fossa es al cap hun petit torta a la ma esquerra. E tantost que ieu fory al cap de la fossa, ieu essa-

475 giey am las mas si trobaria trauc ni loc per ont ieu pogues anar avant, mas non trobiey. Es vertat que al anar que ieu fy avant, sentiguy lo cap de la fossa fort flac, e semblava que si hom si sostengues que se n'intraria. E ieu me vau seyre lo plus bel que pogui, e estiei en aquel estamen be

480 passada una hora que no me pessava que aires y agues; e a my me près una suzor e gran engoysseza de cor, ayssi coma se la mar me fes mal que naveges, e a cap de pausa ieu me condormi per la [fol. 17 V] engoyssa que avia aguda j e tantost venc l- troneyre ayssi gran que totz aquels

485 que ero al monestier, tant los canonges coma aquels que ero [dejdins, lo sentiro ayssi coma si fos dels troneyres que se fan en estieu; e lo temps en que eram era yvern, en

481 engoysseza] corr. engoyssa (?) .

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. 23

lo mes de dezembre, e era lo cel clar, de que tolz aquels que lo ausiro agro grans meravilhas. E en aquela hora ieu

490 caziey, ayssi coma si cazes del cel; a mon avejayre casiey qualque dos canas de naut; empero pèr la engoyssa que ieu avia aguda e que era tôt dormilhos, ieu fory i- pauc enbayt, empero lo gran troneyre que era estât tant terrible quasi me avia yssordat, e a cap d'un pauc ieu revenguy, e

495 dissi las paraulas que per lo prio me ero estadas mostra- das, lasquals son aquestas : « Chr/Jte fili Dei vivi, miserere mei », e alavetz ieu viguy la [fol. 18 r**] fossa uberta, per laquai ieu mot longamen aniey; e perdiey mon companho que no lo viguy ny saubi que s'era fait.

PREMIÈRE PARTIE Le Purgatoire.

La fosse et la salle merveilleuse. Appat-ition de dou\e personnages mystérieux; leurs avis au voya- geur.

5oo V. E anan enayssi tôt sol per aquela fossa, tant plus

anava avant, tant plus la trobava cava e scura, e tant aniey que perdiey de[ll tôt la clartat de tôt lum, E quant ieu

•196 fili] filii

24 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

aguy anat l- pauc avant, ieu intriey en •!• loc que me apparec lo cap, e aqui ieu trobiey una sala segon que lo

5o5 prio me avia dig : e ela non avia autra clartat se non en- ayssi coma en lo mon es entre nuog è jorn en los jorns de yvern. La sala non era pas clausa entorn, mas era en co- Iwmpnas e am arxs voutz, ayssi coma una claustra de mon- ges. E cant ieu agui pro anat amont e aval, ieu fory fort

5io meravilhat de la faysso que ieu viguy an aquela sala, e in- triey dedins e vau me seze. E fory fort meravillat de la gran belesa que era en aquela sala [fol. 18 V°] e ayssi me- teys de la stranha faysso : que, a mon semblan, en lo mon ieu jamay non avia vista tant bêla sala en part ont ieu fos

5i5 estât. E quant ieu aguy segut una gran pessa, vengueren a mi -XII- homes, que totz me semblavan homes de religio e totz eran vestitz de raubas blanquas, e totz intrero dins la sala, e a lor venir saluderen me fort humilment e l- d'els me semblava esser major, quasi coma prio, e aquel parlée

520 an my per totz los autres, e fort me coffortec, e me dis- sec : « Benezeyt sia Dieu, que totas causas a en poder, e que en ton cor a mes lo bon prepausj el perfecisca en tu lo be que y ha comensat, e per so car tu yest vengut en aquest purgatori per tos peccatz, sapias que lo te cove far

525 ardidament aquest fayt, e si non o fazias, tu perdries lo cors e l'arma per ta malvestat. Car tantost corn nos siam parti tz d'aquesta sala, ela [fol. 19 r°] sera tota plena de dia- bles, que totz comunamen te turmentaran et te menassaran

513 la] corr. sa 518 esser] cosser

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. 25

de far encara pietz, e els te prometran que te tornaran en- 53o caras areyre sa e sal a la porta per ont tu yest intrat, si tu los vols creyre, e enayssi te assalhiran. E si tu cossentisses a els per grancop de maUque te fasso ni de turmens, ni per pahor de menassas que els te fasso, tu périras en cors e en arma. E si tu crezes fermament einetes tota ta cura e tota ta 535 pessa e ta crezenssa en Dieu, tu seras quicti de totz los pec- catz que tu auras faygz, e veyras los turmens que so appa- relhatz als peccadors per los peccatz purgar, e lo repaus ont los justes se repausaran e se delecharan, E garda te que tu ajas Dieu en bona remenbranssaj e quant los diables te 540 turmentaran, apela le nom de nostre senhor Jhesu Christ, e per aquel seras tu tos temps delieure de totz [fol. 19 V«»] los turmens ont tu seras mes. Nos non podem plus ayssi demorar, mas an tant nos te recomandam a Dieu. » E pueys cascun me donec sa benedictio e aneren s'en.

Arrivée des débitons; leurs propositions fallacieuses. Le voyageur est jeté dans un brasier et délivré par la vertu du nom de Jésus-Christ^.

545 VI. E ieu demoriey tôt sol, vestit de •!*• rauba de la fe

de Jhe^u ChrzVt, e armât de tôt mon poder de gran speranssa de aver victoria, am gran coiitrictio en mou cor de totz los peccatz que a mi me podian recordar aver faitz, aven fer- mamen tota ma esperanssa en Dieu, e supplican lo humiel-

1. Chaque chapitre se termine, comme celui-ci, par le récit des promesses trompeuses des démons et le triomphe du voyageur. Nous n'indiquerons plus ce détail dans les som- maires.

26 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

55o ment que en aquest pas ayssi estrech e perilhos no me volgues desamparar, ayssi meteys pregan e supplican lo que me dones forssa e poder contra los enemixzj e la pietat de nostre senhor, que jamay no falhic a home que y aja speranssa... Ayssi coma ieu estava assegut tôt sol a la sala,

555 e speran la gran batalha dels malignes speritz, ieu auzigui sopdament hun gran bruch, ayssi coma [fol. 20 r°] si tôt lo mon y fos ajustât per far hun gran brug e que cascun cri- des en auta votz de son poder : no cresi que major brug se pogues far, e si la virtut del cel non me agues guardat e

56o los prodoms no me aguesso ensenhat, ieu fora yssit de mon sen. Apres aquest bruch venc la oribla vesio dels demonis, car de totas partz d'aquela sala ero tan espesses que negus no los pogra contar. E ieu los vezia ben en diversas e lajas formas, e els me saluderen, e me regarderen, e dissero me,

565 ayssi coma per retrach : « Los autres homes del mon que sayns venen non venen pas entro a la mort; e per so te de- vem nos gran grat saber e redre plus gran gazardo e loguier que als autres que no retenen..., an tu dossamen tu as mot be servit, tu venes ayssi suffrir turmens per los peccatz que

570 as fachs e perpessatz, per los quais [fol. 20 V°] tu auras am nos tormens e grans dolors. Mas per so que tu nos as ser-

554 Cf. Nec eum pietas divina fefellit, que confidentes in se fallere nes- cit. 561 après] Alinéa ; initiale peinte 568 Cf. G : unde tibi ma- jorem mercedem recompensare debemus, quod societatem nos tram, cui studiose deservisti, in tantum honorare voluisti ut, sicut alii, diem mortis exspectare noluisti, sed vivendo corpus tuum et animam simul nobis tradere : ut majorem rcmunerationeni a nobis acciperes hoc fecisti. Hoc enim venisti ut pro peccatis tuis tormenta sustineres...

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. 1"]

vitz, si tu crezes nostre cosselh e tu t'en voles tornar, nos te layssarem éncara viure al mon gran pessa am gran gaug e plaser; e sino, tu perdras totas las causas que te poyran ajudar e esser bonas ni dossas al cors e a l'arma. E aysso me dizian els par me decebre e per menassas e per lauzen- guarias; mas Dieus que me metia al cor... E ieu los mes- presava de totas las menassas, e no curava, ni jamay non fory enbayt ni per iinas causas ni per autras, am me tengui tôt segur e re no lor respondiey. E cant los demonis viguero qwe ieu los mespresava de tôt, se comensero las dens a croyssir desobre my, e fero gran fuoc en la sala, e liero me fort per los pes e per las mas, e gitero me al fuoc, e rosseguero me am crocz de ferr per los brasses, e crida- [fol. 21 roj van e bramavan per far me major pahor e per me may espaventar. May Dieu, que de speranssa me avia gar- nit, nom layssec oblidar lo seu nom, ni so que los prodoms me avian dit e ensenhat, que ieu appelés lo nom de Dieuj e en aquesta manieyra me deffendiey a lor assaut. E tôt przmier me giteren al fuoc, may tantost que ieu nomniey lo nom de Jhwu Christ, tantost ieu fory guérit e tôt lo fuoc se escantic que non y deraorec pas una sola béluga. E cant ieu vigui aysso, recobriey cor e fory mot plus ardit que non era davant, e fermiey mon cor que jamay plus no los dobtaria, pusque en apelan lo nom de l\iesw Chr/st ieu los avia totz vencutz.

577 cf. A. : ac miles Christi eorum advertens versucias nec terrore concutitur, nec blandimentis seducitur, eodem vultu et animo persis- tens ponit ori suo custodiam et, quasi eorum parvi pendens dicta, labiis suis indicit silentium, nec respondet

28 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

Première plaine. Les suppliciés , étendus sur le ventre, sont attachés à la terre par des clous brû- lants et dévorés par des dragons.

VII. E adonc fero los demonis gran bruch, e s'en yssiro de la sala, e se partiro en motas partz; mas asses ne demo- rero an mi, e aquels que an mi demorero me tirero per

600 una terra gasta mot longamen. Aquela [fol. 21 V"] terra era negra e tenebroza, e jamay non vigui sino los malignes speritz que me rossegaven per lo mieg d'aquela terra; e \ei\t a y fort suau, ayssi que a penas lo podia hom ausir may el me era semblan que lo ven me passes e me trauques

6c5 tôt lo cors, que mot me grevava. E d'aqui los demonis me menero devas orient, la ont lo solelh se leva als plus lonx jorns de l'estieu. E quant forem l- petit avant, els me tor- nero la ont lo solelh se leva als jorns del yvern, e venguem a la fi del mon, e aqui ausiguy cridar e plorar e gémir e

610 planhe motas personas tant doloyrozament e tant dura- ment que me semblava que totas las gens del mon y fossen ajustadas per far dol : e o may anavam avant, plus fort las ausia e entendia lor gran dolor. E d'aqui venguem en •!• lonc camp pie [fol. 22 r°] de dolor e de caytivetatj e era

61 5 tant lonc que no podia vezer la fy, tant era lonc. E aqui avia homes e femnas de totas ediversas etatz, que jazian en

603 suau] Suppl.' [un] vent ... Le traducteur a avoir sous les yeux un texte différent du nôtre; cf. C : ventus quidem urens ibi afifuit qui vix audiri potuit.

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. 29

terra totz nutz e totz estendutz, los ventres dejotz, e estavo am clavels ficatz en terra, ardens, per las mas e per los pes ; e dragos ardens totz se jazian sobre els e lor ficavo las dens

620 ardens dedins le cors e en la carn, e semblava que los deguesso manjar. E de la gran engoyssa que aquelas gens suffrian, els mordian la terra e cridavo per motas vegadas merce; mas non y avia qui pietat ni merce ne agues, car los demonis cridavo per mieg d'els e per dessus, e los

625 batian mot vilanamen. E adonc los demonis me menassero d'aquels turmens, dizen me : « Tais turme[njs suffriras tu, si no crezes nostre cosselh. Nos no te requerem autra causa sino que tu laysses so que as enpres ni comensat [fol. 22 v°] de far e que t'en retornes; e nos te metrem

63o deforas la porta ont tu yest intrat , e t'en iras ses mal suffrir. » E ieu no los denhiey auzir ni lor volguy res- pondre res, an me recordec cossi nostre Senhor me avia delieurat. E quant els vigro aquo, els me gitero contra terra, e me volguero ficar clavels per las mas e per los

635 pes; e ieu apeliey lo nom de Jhciu Christ filh de Dieu vieu, per loqual los demonis no me pogro far negun mal, am fory deliure.

Seconde plaine. Les suppliciés sont étendus sur le dos et attachés comme les précédents ; ils sont dévo- rés par des serpents, des crapauds et des lé\ards.

VIII. E d'aquel camp me menero en hun autre camp, ont avia may de dolors que al primier. E aquel camp era

30 VOYAGE PE RAIMON DE PERELHOS

•640 pie de diverssas gens e de diverses estatz, e aquelas gens eran am clavels ficatz, ayssi coma los autres, may els avian gran différencia, que aquestz... avian serpens que lor mor- dian las conolhas del col, e par lo cors las serpens metian las [fol. 23 r"] testas dessus lo pietz de las gens, e ficaven

645 agulhos pel niieg del cor, e de tais n'y avia sobre losquals grapautz e lauzertz mot grans e orribles los gratavan totz cremans, e avian los bexs mot agutz e lonxs, don los ferian pel mieg del pietz e lor trasian lo cor del ventre. Aquestas gens fazian lo major dol que podian, loqual era mot orri-

65o ble. E los demonis corrien pel mieg d'els, que los batian e turmentaven mot asprament. E lo camp era tan lonc que ieu no podia vezer la fy, mas lo ample vigui be , e los demonis me dissero : « Aquest turmen suffriras tu si tu non t'en tornas ». Mas ieu non volgui res far, e los demonis

655 me volgueren turmentar per forssaj mas els non poguero : per lo nom de Jhesu Christ que ieu appeliey d'aquest tur- ment fory ieu deliure.

642 cf. G : inter illos tamen et alterius campi miseros hec erat diversitas quod illorum quidem ventres, istorum dorsa terre here- bant, dracones igniti super alios sedebant. A2)rès aquestz, lacune de quelques mots? cf. S ;... qui sicuti priores urenti solo clavis adstrin- gebantur, insuper alii alio génère torti, nam aliorum viscera punge- bantur aculeis ; aliis fœdissimœ visu serpentes colla, venas et arteria scindebant... 646 gratavan] corr.(?) cf. A : sed et bufones igniti lioruni obsidebant viscera, rostra sua immittentes ac interiora evellentes

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. 3l

Troisième plaine. Les suppliciés sont aussi atta- chés à terre par des clous. Un vent glacé les trans- perce et ils sont battus par les démons.

IX. Mas los demoais me menereii en l- autre camp, ont avia [fol. 23 V°j d'aquels don ieu podia aver dol e grant

660 engoyssa e pietat en mon cor. E llay avia tantas de gens que hom no las poguera comtar : las gens jazian en terra sobre menutz clavels en els ficatz, ardens, que hom del cap entro als pes no trobaria pas tant de spazi per mètre

^K lo cap del det plus petit de la ma. Aquels se planhian

'665 ayssi coma gens que so près de la mort, e a penas podian els formar lor votz, e ero... ayssi coma los autres. E hun vent ventava tan fort sobre els que los traucava totz; am los turmens los demonis y eran, que mot fort los turmen- tavo, e los batian tant cruzelment que negun no poguera vezer pietz. Pueys me disseren los demonis : « Aquestz tur- niens suffertaras tu si tu no t'en voles tornar. » Mas no y volgui cossentir. Ala- [fol. 24 r"! donc me gitero en terra, e volguero me turmentar ayssi coma los autres, mas no pogueren, car ieu appeliey lo nom de Jhe^u Chmt, e

675 enayssi escapiey.

666 Cf. C : sed sicut horaines, qui mort(u)i proximi sunt, ita utrinque vocem emittebant; nudi et isti, sicut ceteri videbantur. S : vocem raucam hœrentemque faucibus edentes, quemadmodum ii facere soient qui ultimo mortis transitu prse dolore mugiunt

32 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

Quatrième plaine. Les suppliciés sont suspendus au dessus d'un brasier. Le voyageur rencontre de grarids personnages, des parents et des amis.

X. Mot se esforssavo de grevar my, e meiieren me d'aquest ters camp en i- autre camp, loqual era tôt pie de fuoc. En aquest fuoc ereii totas manieyras de turmen[sj e de motz terribles e greus; e mota gen y avia, e tans que era

680 ses nombre, don los us penjavan per los pes am cadenas de terr cremans, los autres per las cambas, los autres per las mas, los autres per lôs brasses, e avian los caps dejotz que cremavan en flama de solpre, e los rostian sobre grans gre- silhas de fer cremans (sus); los autres rostian en grans astes

685 sobre lo fuoc, e fazian rajar sobre lor carn gotas de divers- ses metalhs cremans, que los demonis stillavan sobre els. Ayssi los turmentavan los demonis [fol. 24 V"] de diverses turmens e aqui non avia negun mege... que hom podia veser totz los turmens que hom poyria pensar. E aqui vigui

690 motz de mos companhos, e motz que ieu conoyssia, e de

686 stillavan] studiavan; cf. A : alii vectibus transfixi ad ignem assa- bantur atque versabantur; super quos demones diversa liquebant in modum metalla pinguedinis ; G : alii diversis metallis liquescentibus deguttaverunt, quos tamen demones discurrentes flagris ceciderunt 688 e aqui ... Cette phrase n'est pas représentée dans la vulgate latine; C donne seulement : omnia gênera tormentorum que exagitari (corr. imaginari) possunt, ibi visa sunt. Y a-t-il une lacune ou seulement un m,ot m,al lu (correspondant à mege) et traduit par un non-sens ?

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. 33

mos parens e parentasj e aqui ieu vigiiy lo rey don Johau d'Araguo, e vi frayre Prances del Pueg, del orde dels fray- res menons del covent de Girona, e vigui na Aldosa de Queralt, laquai era ma neboda, laquai encaras non era

695 morta quant ieu parti de la terra, ny ieu no sabia sa mort. Totz aquestz eran en via de salvatio, mas per los peccatz eran en aquela pana. La pena major que ma neboda avia ni suffria si era per los affachamens que en la cara se avia faytz en sa vida. Frayre Frances, am loqual aissi m«teys

700 Ieu parliey, suffria sa major pena per una monja que trayssec [fol. 25 r°] d'un monestier, e fora estât dampnat se no fos per gran penedenssa he contrictio que ac de son peccat, e penedenssa fâcha en sa vida. E aqui ieu par- liey mot am lo Rey mon senhor, loqual, per la gracia dis

705 Dieu, era en via de salvatio. La razo per que suffria pena no voly dire, be die que los grans reys e princeps que son en lo mon se deven sobre totas causas gardar que fassan justicia per far plazer ni favor a negus ni a neguna. D'au- tres plus acostatz homes e femnas del linatge don soy ieu yssit hy vigui, delsquals non curi parlar, sino regracie a Dieu car siey que son en via de salvatio. Plassia a Dieu que siam en aquel nombre, se mielhs no podem. May si en aquest setgle la persona sabia cossi los peccatz so punitz, avans se layssaria per petitz trosses talhar que auzes pec- jL 715 carj [foL 25 v"] ny sabia los brams ny las vilanias que y eran, car am los turmens que las gens suffrian eran los

715 II faut probablement suppléer : ni [si] sabia... 721 Alinéa; initiale peinte

34 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

demonis, que los turmeiitavaa , que menavan tant gran brug en cridaii e ydolan. E si me volguero turmentar, may ieu apeliey lo nom de Jhe^u Chr/st, per loqual els no me 720 poguero far mal.

Cinquième plaine. La roue de feu.

XI. Apres aysso me meneren los demonis en una gran val ont ieu viguy i- gran fuoc ardent, ont avia l^- gran roda, tota de ferr ardent, dont los rodetz e las brancas eran totas plenas de crocz de ferr cremanj e a cascun croc pen-

72b dia una arma. Aquela roda era tota drecha, la meytat en bas, e l'autra encontra la terra, ont avia fuoc nègre ayssi coma fuoc de solpre, e cremava aquels que penjavo en la roda. Adonc me dissero los demonis : « Aquestas penas [fol. 26 r"] suffriras tu, mas nos te mostrarem primieyrament quai

73o turmen es aysso. » E alavetz menero los demonis d'una part e d'autra la roda, (e fero) los us contra los autres, e fero yssir grans flamas de fuoc per lo mieg e en'torn la roda, e comensero la de rodar, e fero la tan sobdament anar e rodar que negun non podia veser lahun [o] l'autre de

735 totz aquels que penjavo a la dita roda, an semblava, cant

724 crotz... e a cascuna crotz; C : apparuit ... rota... cujus radii et canthi uncis igneis erant undique circiimsepti, in quibus singuli homines infixi pendebant... C'est évidemment croc que S traduit par ferrei mucrones igniti confertissime impacti 731 cf. C : Demones igitur ex utraque parte , alii contra alios {sens f) vectes ferreos inter rote radios impingentes eam tanta agilitate rotabant...

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. ' 35

rodava âyssi fort, que non y agues sino fuoc. E aquèls que y penjavan a la roda planhian mot doloyrosamen. E ala- vetz los demonis me prengiiero, e gitero me sobre la roda, e en rodan ieu apeliey lo nom de Jhe^u Chrzst, e tantosi 740 ieu salhigui de la roda, e fory deliure d'aquest perilh e d'aquest tant gran turment.

Sixième plaine. La fournaise ; les métaux fondus. {Lacune.)

XII. [fol. 26 V**] [D]'aquel tant gran turment menero los demonis en hun autre, ont ieu viguy una gran mayo tota fuman, ayssi coma hun affornas, e era tant longa que 745 negun \\o podia vezer lo cap. E ayssi coma los demonis me rossegavan per aquela part, cant ieu fory •!• pauc avant, ieu volgui demorar hun pauc, car ieu sentia tant gran calor que non podia anar avant. E los demonis me demanderen : « Per que demoras tu ? coma aysso sia una mayo per te banhar am los autres que si banho, vuelhas o no, » e ieu vengui près, e ausiguy gens planher e plorar mot doloyro- sament; e quant ieu intriey en la dicha mayo, ieu vigui que ela era tota plena de fessas redondas, que ero [si] près la una de l'autra que hom non y podia trobar camy negun. E cascuna d'aquestas fossas eran plenas dedins de metalhs totz fondutz ardens, e cabussavan las gens en plom fondut,

742 Alinéa ; initiale peinte. Le rubricateur a écrit e au lieu de d

36 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

los [fol. 27 r"] autres en farr, los autres en coyre bolhenf, que per forssa de ferr e de gran ardor semblava que fos vi vermelh, e los autres en argent caut e bolhent, que sem- 760 blava esser ayga tota clara, e los autres en aur caut ayssi colorât com si fos lo clar solelh...

Septième plahie. Le tourbillon; le fleuve glacé et fétide.

XIII... Aqui eran en grans e greus turmens motas ma- nieyras de gens de diversses estatz, e eran totz nutz. E tôt so que ieu avia vistz de turmens no me semblava res a

757-61 Ces lignes développent une indication sommaire du texte; je transcris ici la partie m,anquante, c'est-à-dire toute la fin du paragraphe [datis C) : Erant autem fosse singule [plenèj metallis diversis ac liquoribus ferventibus, in quibus utriusque sexus et etatis mergebatur hominum multitudo non minima, quorum alii omnino erant immersi, alii usque ad supercilia, alii ad oculos, alii ad labia, alii ad colla, alii ad pectus, alii ad umbilicum, alii ad femora, alii ad genua, alii ad tibias; alii uno pede tenebantur, alii utraque manu, vel una tantummodo ; onines pari ter per dolores plangentes clamabant et flebant. « Ecce, inquiunt demones, cum istis balneabis » ; sublevan- tesque militem, conati sunt eum in unam fossam projicere; sed au- dito Ohriste nomine, defecerunt in suo conamine. S est beaucoup plus bref : vidi totam domum liquide... métallo, auro, argento, ferre, plumbo et alio vario impletam, foliis rotundis atque spissimis mis- tis, et hoc balneo (ita Furiis dicebantur) innumeros nudos ablui et adverses vente, durissime trajici. La lacune n'est pas indi- quée; la phrase suivante commence par une majuscule très légèrement rubriquée. Il manque aussi les premières lignes du chapitre suivant : Recedentes autem a loce illo perrexerunt centra montem urium, in quo utriusque sexus et diversse œtatis et super digitos tantum podum curvatum vidit multitudinem sedere nudorum hominum

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. Sy

763 compa/'atio d'aquestz, car totz aquels que y eran semblava que se sostenguesso sobre los artelhs dels pes, e regardavo totz vas hun vent, a mou semblan appelât tremontana, e semblava que esperesso la mort, e tremolavo mot estranha- inen. E alavetz ieu estiey mot meravilhat e lahun dels

770 demonis dis : « Tu te meravilbas per que aquest poble ha tant gran pahor, e que es aysso qwe els esperan. Mas si tu 110 t'en tornas, [fol. 27 v°] tu saubras mot fost. >' A peiias lo demoni ac dig aysso que ve.uc hua gran torbilh de vent, que ne portée totz los demonis, e ayssi meteys me e tota

775 aquela gent en hun flum frech e pudent e mot bas, de l'autra part de la montanha. E la ploravan mota gen e se plangian mot doloyrosament de frech e de pudor, e quant els se esforssavo de yssir déferas, los demonis los cabus- saven plus fort, e me volian mètre layns, mas que apeliey

780 lo nom de Jhesu Chrzst, e tantost me trobiey foras de perilh e de turment.

Hiiiticiiie plaine. Le puits de feu.

XIV. Apres los demonis se apropiero de my e menero

me devas Orient, e ieu regardiey davant my, e viguy una

flama negra e pudent, ayssi coma de solpre. Aquela flama

785 montava, a mon semblan, que me semblava que y avia

homes e femnas de diversses statz [fol. 28 r°j totz ardens,

782 Alhiéa; initiale peinte

38 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

que volavan en Tayre ayssi coma las bélugas del fiioc. E quant la flama si bayssava, e els ayssi be, esse cozian dins lo fuoc. E ayssi coma venguem pretz, el me semblée que

790 aqxio fos hun forn o hun potz dont la flama yssia. E ala- vetz me dissero les demonis : « Aquest potz que tu veses ayssi es la bocca de yffern e nostra habitacio; e per so car tu nos as servit. entro aras, tu y estaras tostemps am nos autres, e aytal es lo loguier d'aquels que nos servisso. E

795 sapias si tu y intras, tu y périras en cors e en arma j e si tu voles creyre nostre cosselh e tu t'en vols torjiar, nos te menarem a la porta deforas, ses far mal, per ont tu yest intrat, » Mas tostems ieu agui sobirana e gran crezenssa e fizanssa en nostre senhor Dieu, e agui en mot gran des-

800 piech lor promessa. E quant [fol. 28 V°j els viguero aysso, me presero e me gitero al potz, e tant coma devaliey, aitant plus lo trobiey ample e gran, é plus gran pena e trebalh y sentigui, e casi oblidiey lo nom de Jhc^u Chnst e tota sa ajuda per la mot gran engoyssa que ieu sentia e

8o5 per la gran dolor e turmens que ieu avia. E ayssi coma a Dieu plac e nom vole desamparar, ieu reconogui Dieu e nomniey lo nom de Jhesu Christ, e de présent la forssa de la flama me gitec foras del potz en l'ayre am los autres e devalec de près lo potz, e fory una gran pessa que ieu no

810 sabia en quai part ieu degues anar, e fory tôt sol, que no saubi que eran'faitz los demonis que me avian amenât ni ont eran anatz.

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. Sg

Neuvième plaine. Le pont au-dessus de l'abime. Résumé. Exhortation aux vivants.

XV. Aladoiic venguero autres demonis que yssiro del potz, e venguero [fol. 29 r°] drech a mi, e dissero me :

81 5 « Que fas tu ayssi? Mon companho te a dig que aysso era lo potz de yffern e te afferma... nostra costuma es tostems de mentir, per so car nos decebem volentiersper mentir... e, a vertat a dire, totz aquels que nos poyrem, nos decebrem. Aysso n'es pas lo potz de yffern, mas nos t'i menarem. »

820 Grau tempesta me fazian en dizen, e enayssi me menero los demonis luenh d'aqui, e vengui en i flum mot lonc e mot ample e mot puden, e semblée me que fos tôt de fuoc e de flama e de solpre enbrasat, e tôt aysso era pie de demonis. E aquels que m'y avian menât dissero me : « Lay te cove anar e passar per dessus aquest pontj tantost, quant tu yssiras, lo ven que geta l'autre flum te buffara e te gitara en aquest, e nostres companhos que lay son te

816 e te afferma] Il y a ici une lacune; ou peut-être le traducteur suivait-il un texte différent du nôtre. A : mendaces socii nostri, ut te deciperent, terrendo dixerunt portas mortis et puteum géhenne hic esse; sed recte mentiti sunt in caput suum...; C : quod hic infer- nus sit dixerunt tibi socii nostri; mentiti sunt; consuetudinis nostre semper est inentiri, ut quos non possumus per verum, fallamus per mendacium... 817-8 II doit y avoir ici mie lacune de quelques mots: supplées : nos decebem v. per mentir [los que no podem per vertat] e... (?) ou peut-être le traducteur avait-il sous les yeux un texte légèrement altéré 824 lai] lo

40 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

pendrai! e te cabussaraii dedins al plus" prion. Mas [fol. 29 v"j el te cove esproar abans quinha via ha sobre lo

83o pont. » ... Aquel pon avia en el très causas que mot fan a doptar. La primîeyra es que era glassat, car se el fos ample asses, a penas se poguera hom tener dessus; l'autra es que el era tant naut que mot era doptos e orrible a gardar j la terssa si era que lo vent y corria ayssi fort que negu no

835 poguera pensar lo bruch que fazia. Pueys me dissero los demonis : « Si tu nos voles creyre, tu escaparas d'aquest turment, car aysso es lo darrier que tu trobaras. » E alavetz ieu pessiey que nostre Senhor me avia deffendut e gardât, si y montiey ardidament sobre lo pont. E plus aniey dessus

840 e plus fory avant, plus lo trobiey ample e plus segurament aniey, com lo pon plus se yssamplava d'une part e d'autra, ayssi que hom [fol. 30 r"] y poguera be menar bestias car- gadas. Los demonis que aqui me avian menât si demorero a la riba del flum, e cant viguero que ieu m'en anava ayssi

845 segurament sobre lo pont, fero mot gran dol e horrible e spaventable, que plus me espaventec e me fec may de pahor la orribletat de lor crit que non auria fait lo duple dels turmens que ieu avia, ayssi coma avetz ausit, passatz. Ieu passiey tôt otra lo pont ayssi coma si negus no lo me

85o deffendes. E cant ieu fori ben avant, ieu regardiey lo flum e lo pont que ieu avia passât, e los demonis que me aguero layssat, que plus no me poguero far mal. Motas causas

830 Lacune? Cf. G : tenentes igitur manum ejus fricabant (?) super pontem 847 auria] avia

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. 4I

vigui en aquest purgatori, las cals me foro vedadas de dire sus pena de mort, ni ja Dieu no vuelha que per ma boca

8.S5 sian reveladas. Mays [fol. 30 v»] qui pensaria be a las dolors ni als turmens que lay so, e los auria tostemps en memoria en son cor, ni los trebalhs e las penas d'aquest mon, ni las malautias ni las paubretatz no lor grevarian res, quar totz los turmens d'aquest mon no so seno dossas

'^C>o rosadas e dos mel a regard d'aquels; ni negun no se dele- charia folamen ni carnalment ni en negus autres deliegz d'aquest mon. E qui be pensaria en aquestz... aquels que son en relegio, e alsquûls las religios son donadas, deven be pensar quais ni cossi son grans las penas d'yffern ni

865 los turmens ni las penas de purgatori, car asses es plus laugiera causa suffrir la pena en aquest mon, lo cors essems an l'arma, que cant cove suffrir o aver tantas de malas aventuras he tantas de dolors. Totas vetz preguem [fol. 31 r°] Dieu nojtre Senhor que per sa gran m'iseri- |o corJfa, per sa gracia e per sa dossor nos done e nos fassa gracia a passar e parvenir a la mot gran gloria e gaug de paradis, que tostems dura ses falhir. E preguem per nostres payres e per nostras mayres e per totz nostres bos amix que so passafz d'aquest setgle en l'autre, e son en »5 aquestz turmens, que Jhesu Christ, per sa gracia, los ne vulha gitar. E totz aquels que preguarias per aquesjtz faran o diran, e totz aquels que almoynas ni bes faran sian bene-

862 La phrase ici interrompue n'est pas représentée dans le latin; elle ne fait, du' reste, que répéter le début de la précédente 867 Suppl. que quant [o] cove ... (?)

^2 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

sitz davant la facia de Dieu, car aysso es \o plus gran besong que els ajo que nostre Senhor ne aja pietat, d'aquels

880 que lay son, e caritat. E aysso es una causa per laquai aquels que son turmentats en purgatori son aleujatz e de- liuratz dels turmens, non pas aquels que son en yffern. Aras garde se [fol. 31 v'] cascun que no fassa causa per que lo convenga anar en aquel loc, car aysso es senes retoru e

885 sens fy. Aquel Senher que a totas causas en son poder nos garde totz e totas. Amen.

SECONDE PARTIE Le Paradis terrestre.

Descî^ipiion du Paradis terrestre. Le voyageur eut reçu par la procession des élus,

XVI. Cant ieu fory passât, lauziey e regraciey Dieu de las gracias que faitas me avia, e que enayssi me avia de- liurat de taiitz perilhz, e vigui i- gran mur davant me mot 890 naut e de meravilhoza faysso. E en aquel mur avia una porta que tota luzia d'aur e de peyras preciozas , e era clausaj e quant ieu fory près, ayssi coma a dos milhas ho

d)àl Alinéa; initiale peinte 8d'i a dos milhas. Le latin dit un demi mille

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. 4$

mays, la porta se ubric, e de dins yssic ayssi graa odor coma si eu tôt lo mon fossen torradas specias o si [y] fosseii ? totas las causas beu odorans. Ges non y poguera aver 'fol. 32 r"] tant dossa odor, so me foc semblant, e aqui ieu recobriey tota ma forssa e gran sanetat, e me semblée que ieu non agues suffert, seno tôt be, sens pana e sens en- goyssa, e oblidiey totz los mais e turmens que davant avia

900 agutz. E regardiey, e en regardant la porta, vigui una lerra mot granda e trop plus clara que non es la clartat del solelh, e ieu agui mot gran désir de venir dedins. E davant que y intres, me venc al davant una processio tant grant e tant meravilhoza que jamay tant gran non avia vista, e 5 portero crotz e cyris e rams de palmas, que semblavo qwe fosso d'aur. Aqui vigui homes de motz estatz, e ayssi raeteys vigui lo papa e los cardenals, archivesques , avesques, monges, capelas e autres clergues, ayssi coma son ordenatz al servisi [fol. 32 V»J de Dieu... ayssi... en aquest mon eran

910 estatz, e motas autras gens que aviau autras formas e sem- blanssas, coma avian agudas en aquest setgle mortalj ayssi meteys vigui diversas donas. E ayssi ieu fory am gran ho- nor e gaug resseubut, e meneren me dins la porta am çls, e cantero mot dossamen una mauieyra de canso que ieu a

900 en regardant la porta] cf. C : respiciensque inlra portam 905 Au lieu du mot crotz, une petite croix. 909 II manque quel- ques m.ots, il était fait mention des laïques; cf. C : ... abbates, mohachos, canonicos, presbyteros et singulorum graduum sancte ecclesie ministres, sacris vestibus sue ordinis congruentibus indu- tos. Omnes vero tam clerici quam laici, eadem forma vestium vide- bantur induti, in qua Dec servierunt in seculo

44 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

91 5 ma vida non avia ausida. E cant els aguero gran pessa cantat, ven'guero dos archivesques ensemble, que me pre- zero en lor conduch e en lor companha, e me menero per lo mieg d'aquela encontrada deportan, per vezer e regardar las meravilhas que y eran. E davant que els parlesso an

920 my, lauzero Dieu e lo be[ne]ziro, que ayssi avia confermat mon coratge en bona e vertadieyra fe, per laquai ieu avia vencutz los demonis e era [fol. 33 r°] escapat de tans tur- niens. Adonc me menero por tota la terra e me mostrero tropes d'autres alegriers, de dossos e de plazers, que ieu no

925 poyria mostrar ni dire ni devisar, tant era la terra bêla, e me semblava que enayssi coma lo solelh amortis e escantis lo lumh d'una petita candela en la terra per sa clartat, enayssi foc lo solelh scurizit per la clartat que ieu vezia mot dossa e gracioza. Anipla era la terra e encontrada, tant

930 que hom no podia vezer lo cap de neguna part, e era ple[na] de pratz verdejans e délectables, e de flors e d'albres e de fruch de totas semblanssas, e de tant gran beleza era que me semblava que hom y pogues be tostemps vieure ses mori. E estant aqui non y avia ges de nuog, car la clartat

935 depurada dels rachz del cel y reiusia [fol. 33 v"] tostemps. La gran multitut de las gens que ieu y vigui era tant gran que ieu ny autre non cugera pas que jamay ne agues tant vist en aquest monj e estavan a semblanssa de covens, ayssi coma gens de orde, e anavan e venian a totas lors voluntatz

940 los us am los autres per lors deportz, mot fazen grans festas e grans alegriers, lauzan e benesen lo Creator. E ayssi coma una stela es plus bêla la una que l'autra, eran

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. 45

els aytalCs] que lahun era vestit de raubas d'aur, los hiis de vert, los autres de vermelh, los autres de blanc, eu aquela

943 forma coma els avian eu aquest mon Dieu servit, leu co- noguy be la semblansa de, las raubas dels ordes; ayssi coma eran de diversas colors al setgle, enayssi eran elas de diverssas colors he [fol. 34 r"] (e) clartat. E aysso que semblava esser de diverssas colors de diverssas raubas ero

960 colors de diverssas glorias e de clartatz e n'y avia de tais que ero coronatz coma reys. Mot agui gran plazer en els regardar e en los dosses cans que els fazian e avian de totas part/, e en la dossa odor que y sentia. Aqui non avia seno gaug e alegrier, car cascun fazia gaug e alegrier de si e de

955 totz los autres. Totz aquels que me regardavan, lauzavan e benezian Dieu, e fazian novels alegries per mi enayssi coma se ieu los agues gardatz de mort. Aqui non avia caut ni freg, ni causa neguna que pogues nozer ni corrossar cors de home : mot era aquel loc plasent e délectable, car non

960 y avia sino gaug e alegrier e tota joya. Pueys vigui de novelas causas que ieu no podia saber ni avia vist ni ausit dire en aquest setgle. fol. 34 V] Quant ieu agui ausit lors dosses cans e lors melodias, adonc los archives- ques que me avian menât dedins me tirero a una part e

543 Peut-être, au lieu de corriger aital[s], faut-il admettre une lacune de quelques mots; cf. G : et sicut stella differt a Stella clari- tate, ita erat quedam differentia concors in eorum vestium et vultuum claritatis voriustate. Alii enim induti videbantur vestitu aureo... 9 48 Le traducteur a tm peu précisé le sens d'une phrase assez vague; cf. G: quorum habitus varius color varie videbatur claritatis splendor {manque dans A)

46 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS'

965 vân me dire : « Nostre dos e car frayre, aras as tu vist ima pàrtida de so que tu desiravas, so es lo gaug e lo alegrier dels ju'stes e los turmens dels peccadors. Benezeyt sia Dieu que totaâ causas a fàitas, e que nos ha rezemutz de son preciOs sanc, e que te a donat aquel bon prepaus que yest

970 passât par los turmens que as vistz. E per so que per sa virtut é par sa gracia tu yest vengut a nos, e nos te direm que es aysso que tu as vist.

Sot^t des élus en attendant leur admission dans le Paradis.

XVII. « Aquesta terra es paradis terrenal, dont Adam, lo primier payre, foc gitat per son peccat, e d'ayssi venc la

975 dolor del mon. D'ayssi el vezia Dieu e parlava amb el, e la companhia dels angels estava amb el. E per so [fol. 35 r°] car el non gardée los comandamens de Dieu, el perdec los grans plazers celestials d'aquest loc e la gracia que Dieu ly avia donada, entro que lo filh de Dieu per sa bontat a[c]

980 preza carn Humana e fayta nostra redemptio. Per que en la fe que nos recebem al baptisme nos crezem que era autra vida que aquela, ont nos autres foram anatz, e per sa amor, e... esperanssa, ayssi coma Adam foc; e per so que, après

971 to direm] dizes. La correction, exigée par le sens, est sug- gérée aussi par le texte latin; A : visorum rationem a nobis audies; C : nunc autem scire te volumus que sint illa que vidisti... 982-8 La phrase n'a pas de sens ; cf. A : vitam aliam esse credimus, per spiritum sanctum; quam esse non potu[erJimus, sicut ille, per expe-

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. 47

nostre baptisme, forem layssatz cil setgle e avem fayîT. motz 985 peccatz, per so el nos covénia venir e passar per lo mieg d'aquelas penas que tu as vistas en lo purgatori per ont tu yest passât; e las penedenssas que nos recebem avans de la mort o a la mort, que nos non fazem pas en nostra vida, no[s] las avem acabadas en aquestz turmens, segon so que 990 nos avem fach. E nos totz, que ayssi em ajustatz, en purga- tori per nostres peccatz..., e totz aquels que tu as vistes als turmens per ont tu yest passât, quant els seran [fol. 35 v°] purgatz, vendran al repaus ont nos hem. E cant venen, nos autres cove que anem a l'encontre d'els, ayssi coma em... a 995 tu, e los amenam ayssi. Aquels que son en purgatori, los us y estan plus e los autres mens, e negun d'els no pot saber la hora quant ne salhira. E per las messas que hom canta per els, e per las prcguarias e las oracios e per las almoynas que hom fa per els son los turmens aleujatz entro 1000 que son de tôt deliures, car negun no pot saber de si...

rimentura {le passage manque dans C); e per sa amor traduit sans doute par spiritum sanctum, et il faut lire, à la ligne suivante : e [no per] experiencia, coma Adam fes 987 recebem, qui paraît don- ner un sens médiocre, est littéralem,ent traduit du latin. A : pœni- teritiam eaim, quam antemortem, vel in morte suscepimus (c.-à-d. qui nous a été imposée?), in illis penalibus locis, alii majori, alii minori spacio temporis, socundum quantitatem culparum, tormenta luendo, peragimus 991 cf. A : omnes ergo, qui in hac requie sumus, in illis locis pro peccatis nostris fuimus (ce dernier mot manque dans la traduction: supp. [em estatz]) 1000 II faut suppléer quelque chose comme [quant de tems deu estar aqui]; cf. A : quamdiu hic mansuri sunt, nesciunt (C : nuUus nostrum hoc scire potest de se quamdiu hic debeat esse). Le passage manque dans S. Il se^nble, du reste, y avoir ici quelque confusion dans le latin; il devrait s'agir, en effet, du temps à passer, non dans le paradis terrestre, mais dans le

48 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

E, tôt ayssi coni els son, els sueffro los turmens per lors peccatz, e nos que em ayssi avem spasi de estar ayssi segon los bes que nos aureifl faitz; e pausan que nos siam be deliûres del fuoc de purgatori, non em pas encara dignes

ioo5 de intrar en paradis, nias nos em ayssi en gran gaug e gran repaus, ayssi coma tu vezes [fol. 36 r°], e quant el plaira a Dieu, nos anarem en paradis. E nostra companhia creys e nierma cascun dia; e enayssi coma aquels de purgatori venen quant els son purgatz, ayssi s'en van alcus de nos,

loio que em en paradis terrenal, en paradis celestial. »

Le voyageur est admis à contempler la porte du Pa- radis et à goûter la manne des élus.

XVIII. E cant els aguero ayssi an my longamen parlât, me menero en una granda montanha, e dissero me que ieu regardes en aut, vas lo cel, e ieu y regardiey, e els me dissero de quinha color era e que semblava ni ont era. 101 5 E ieu adonc vau respondre que lo cel me semblava de color d'aur e d'argent arden, coma cant salhis del fornas. E alavetz els me van dire : « Sapias que so que tu vezes es la porta de paradis e tôt so que dévala a nos del cel dévala

purgatoire même, dont il est questio?i dans les phrases précé- dentes — 1001 II paraît manquer ici un membre de phrase; cf. A : sicut enim in locis penalibus secundum quantitatem culparum perci- piunt remorandi ibi spatium, ita et qui hic sumus secundum mérita bona minus plusve hue deraorandi spatium percipimus 1018 Cf. A : quando aliqui a nobis descendunt {corr. discedunt), hinc ad cœlum ascendunt. La traduction repose sur la mauvaise leçon descendunt

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. 49

per ayssi, e s'en va per ayssi em paradis. Et cascun jora tant

1020 com nos em ayssi nos envia nostre Senhor de la manna

[fol. 36 v°] del cel, e ru saubras quinha vianda es. » E a

penas agro aysso dig que una clardat dévala del cel, ayssi

coma •!• grau flama de fuoc, e semblava me que aquela

clartat devalava per ragz sobre .aquels que y eran, e ayssi

1023 meteys sobre lo meu cap, e non estiey gayre que aquels

ragz nos intrero dins lo cor. E adonc me semblée e sentigui

dedins my tant gran dossor en mon cor e en mon cors que

per lo gran plazer que ieu agui ieu no saubi si era mort o

vieu , may el foc tost falhit. E alavetz me dissero los

io3o archivesques : « Aysso es la vianda de paradis que es appa-

relhada ses fy an aquels que d'ayssi montaran al cel. »

Le voyageur quitte le Paradis terresti^e.

XIX. Aqui fora ieu volentiers demorat si agues pogut, mas après aquestas causas que me foro plenas de dossor e de gaug me dissero los [fol. 37 r°] archivesques unas nove-

io35 las dont ieu fory mot dolen : « Aras as tu vist una partida de so que tu desiravas a vezer mot, so es los turmens dels peccadors e la gloria dels justes. Si t'en cove anar e tornar per lo camy per ont tu yest vengut, e segon so que tu faras ni staras al setgle, plus si tu vives segon Dieu, tu

1040 sias segur que tu vendras an nos quant tu trespassaras del setgle mortal. E si tu menas maivada vida, dont Dieus te deffenda, tu as vistz los turmens quinhs so que te spero.

30 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

Tu no doptaras res los turmeus quant t'en tornaras ni los demonis que tu as vistes al venir, car els no se auzaran

1045 appropiar ni acostar de tu, ni los turmeus no te grevaran res. » E alavetz ieu no pogui estar de plorar e lagremejar quant ieu vigui que m'en [fol. 37 V^] covenia tornar, e adonc dyssi, tôt en plorant : « D'ayssi no me partiriey ieu pas, car ieu dopti mot, si m'en torni al setgle, que ieu

io5o fassa causa que me destorbe de venir ayssi. » Dis el : « No sera pas a ta voluntat, mas al plazer d'aquel que nos a fagz e tu ayssi meteys. »

// retrouve son compagnon et tous deux rentrent dans le monde des vivants.

XX. E [a]lavetz m'en torniey a la porta en ploran, e els an mi. E ieu m'en yeyssi deforas, mas aysso forec otra ma

io55 voluntat. E la pOrla foc mot tost clausa derreyre my, e si m'en torniey ieu per la ont era vengut, entro a la sala, ont los demonis que me encontrero s'en fugiren davant my ayssi coma si me duptessen fort. Los turmens no me fero ponch ni ges de mal, tant que ieu vengui a la sala per ont

1060 passiey pr/mieyrament e venguero me a l'encontre los Xir homes que avian parlât an my al [fol. 38 r"] anar, e lauzero mot nostre Senhor que en aquel fort e sanct co- ratge me avia tenguf. E aqui venc mon companho que ieu non avia vist despueys que era intrat, loqual per lo mal

io65 que avia passât era fort pejorat, al quai, per la gracia de

►'

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. DI

Dieu, ieu ajudiey a yssir. « E adonc, me dissero, tu yest quicti de totz los peccatz que as faitz, e t'en cove tornar a l'alba del joru eu la terra, car si lo prio no te trobava o aquels que y estan ny te vendrai querre a la porta, els se 070 duptarian de ton retorn, e si s'en retornarian areyre. » E adonc nos senheren, e nos beneziren, e nos nos cochem lo plus tost que poguem, e venguem asses avan entro que trobeni cap. E alavetz mon companho e ieu forem trop espaoritz e tprbatz, pessan nos que fossem enclauzes. E

1075 adonc nos [fol. 38 V] autres nos asseguem e preguem Dieu devotament, que de tans perilhs nos avia deliuratz, que nos volgues gitar d'aquest e deliurar. E ayssi totz assegutz per lo lassée e per lo trebalh que aviam passât am la engoyssesa que cascun se pot pessar nos adormim, e en estan

1080 ayssi, dormen velhan, venc I- troneyre asses gran, non pas tant gran coma foc lo pr/mier, e de fag nos revelhem, e mon companho e ieu aguem mot gran pahor, e trobem nos a la porta per ont eram intratz e en la primieyra fossa. E estant en pessamen ont ero aquels que nos avian mezes

io85 dedins e nos devian venir querre del monestier, foro vengutz a la porta, e de fach que ubriro la porta, els nos viguero venir. Adonc forem receubutz an gran gaug, e de fag forem menatz a la [fol. 39 T°] glieya, ont fezem nostras oracios, segon que Dieu nos avia aministrat, ensems am lor

1090 canongia.

52 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS

Le retour.

XXI. Et partigui d'aqui, e toruem non per nostre camy al rey Yrnel, que mot be nos resseubec am gran gaug. E teugùi la festa del jorn de Nadal, ant el ténia gran cort selon lor manieyra, laquai a nos autres de part de ssa es mot

1095 estranha per estât de rey, corn be que el agues am si grans gens. E partiguem nos d'els e anem a la terra dels angels ; e forem y lo jorn de cap d'an am la comtessa de la Marcha en hun seu castel, laquai mot honorablament nos reculhic, e nos donec de sos dos; e comunamen totz aquels ont pas-

1 100 savem nos resseubien am gran honor, semblan que mostravo devotio cant eram escapatz de tans grans perilhz. Mot may fory interrogat dins la yla que [fol. 39 V°] no fory despueys. Lo comte de la Marcha s'en era anat en Englaterra. D'aqui 'partim e aribem a Daneli, ont me mezi en la mar per pas-

iio5 sar en Englaterra. E en aquela cieutat fory mot notabla- ment reculhit per los gentils homes, e especialment per los regios. E d'aqui enforas passiey la mar, e aribiey en Galas, davanti- port que se apela Oliet, e d'aqui per mas jornadas aribiey en Englaterra, e trobiey lo rey en una

II 10 vila apelada Liquesiel, ont a fort bêla abadia de monges nègres, ont lo rey passava, e ayssi meteys y era la regina, ont fory mot notablament reculhit. E d'aqui, per mas

1098 laquai] loqual

AU PURGATOIRE DE SAINT PATRICE. 53

Jornadas travessiey la yla d'Englaterra, passant pcr Londres^ e aribiey al port de Dovre, ont viguem lo cap de Gavalh, car aqui moric, e ayssi meteys la costa [fol. 40 r°] mantelea, car enayssi se apela. E regardem aysso dins lo caste! per la bona cavalaria que y era. E aqui me mesi en la mar, e travierssiey a Calays. E d'aqi^f pcr mas jornadas fezi mon carai per Picardia a la cort del rey de Franssa, loqual tro- biey a Paris, ont fory reculhit mot notablament, per so car ieu era son servido e camarlenc, e fory de son payre, que me avia noyrit. E aqui estiey be iiii- mezes per manda- ment del papa, e fory amb el a las justas que fec lempera- dor de Alamanha, que era adonc lo rey de Boemia, e ayssi meteys era lo rey de Navarra , e diverses dux e grans senhors. E quant lo rey foc tornat a Paris, ieu m'en parti e torniey eu Avinho am lo papa que ayssi meteys mot no- tablament me reculhic.

ÉPILOGUE

Aras preguem nostre senhor Dieu Jheju Chr/st, que totas

[ii3o causas a en son [fol. 40 V"] poder, per la seua sancta gracia

e misericordiâ nos laysse en tala manieyra vieure en aquest

1129 Alinéa; initiale peinte.

54 VOYAGE DE RAIMON DE PERELHOS.

mon que puscan en tala manieyra nostres peccatz purgar que a la fy, a la hora de la mort e trespassament, puscam esquivar las penas e so que avetz ausit retrayre, e que II 35 puscam anar a la fy que jamay non falhira; e prego totz aquels que leglran aquest romans per my, Ramon, ves- compte de Periihos e de Roda. Amen.

VISION DE TINDAL

VISION DE TINDAL

Ayssî comensa lo libre de Tîndal tractan de las penas de purgatorî.

PROLOGUE

[fol. 48 r»] Qui vol ausir, entendre ni.aver gaug eternal deu esser mot euros e entendut a amar Dieu e obezir als

ri4o .seus comandamens, e per tal que l'arma e lo cors sian sco- mogutz en la temenssa de Dieu, legisca o fassa legir aquest libre, loqual i- sanct religios, que avia nom Marc, tresla- tec de grec en lati, a honor de Dieu e de squivar peccat e estar lialment el setgle e viure en la terra, fazen los co~

1145 raandamens de Dieu.

1138 Initiale historiée et peinte; les trois premiers mots en plus gros caractères. Il en est de même au début de la plupart des ali- néas — 1144 e estar] a e

58 VISION DE TINDAL.

Mœurs du chevalier Tindal. Après trois jours de mort apparente, il revient à lui ; son récit.

I. Al palays de Ybernia avia hun cavalier jcve e fort, e avia nom Tindal, noble e de gran linatge, home alegre, e era mot gracios e tresque bel, cortezament noyrit, pros e espert e bel parlier, laugier en totas cauzas de [fol. 49 v°]

ii5o cavalaria. Mas per sa beutat, son estame/it tornet en des- plazer de Dieu e en dolor de son arma : tant se coffizava en sa savieza e en la laugieyria de son cors e en sa forssa que non avia cura de far servizi a Dieu ni procurar la sal- vatio de la seua arma, am si negus ly parles de coffessio o

Il 55 de penitenssa, el s'en trufava e ne fazia squernj la glieyza menesprezava, els paubres de Jhe^u Chrzst no volia vezer, mas a jotglars e a glotos e a vanas gens doiiava sos bes per vana gloria. E cant el ac estât lonc temps en aquel stament, plac a la divinal misericordia que son mal régime» e sas

ii6o vanas obras fosso mudadas, e que se covertis e fos sou amie, coma fes de saut Paul, per aventura per qualque causa que fazia o dizia [oj avia fag o dig que era plasen a Dieu, per laquai [fol. 49 r°] no lo volia dampnar eter- nalment.

ii65 Endevenc se que, estan aquel cavalhier en la ciutat de

Cartages, ly venc sopdament, dementre que el manjava a taula am sos jotglars, an sos plazers, una gran malautia. de

1158-65 Tout ce passage manque dans l'original 1165 Ut plurimi Corcagensis civitatis testantur incole .

I

VISION DE TINDAL. Sq

laquai iii- jorns e iii nuogz jac ayssi coma mort, en lo- qual spazi foc sa arma raubida, e ly foc mostrat com dévia amar e servir Dieu e hobesir als seus comandamens, los- qualsavia en son joven menesprezatz, e ly foc mostrat, com auziretz, las penas de yffern els gaugz de paradis, car quai que fos la malautia se dira. Aquest Tindal avia gran mul- titut d'amixz, de parens e de companhos, e hun son bon amie dévia ly très cavals per causa de cambi. |fol. 49 V**] E venc aquest Tindal, al temps que dévia esser pagat dels très cavals, en lo hostal d'aquesî deutor per aver sos cavals, e aquel deutor fes ly mot bel aculhiment e dis, entre las autras causas, que per Dieu ly perdones, car de prezent no podia aver los iii- cavals. De laquai causa Tindal foc mot corrossat, e volia s'en partir; mas lo deutor ly preguec mot cortezament que manges amb el, e fes ho; e cant foro a taula e las viandas ly foro aportadas davant, e el estendec son bras per comensar de ma/ijar, e sopdament ly venc tant de mal el bras que non poc porfar la vianda en sa boca,

1168-73 en lo quai spazi ... se dira. Passage profoyidément modifié, peut-être parce que le traducteur comprenait mal son original. Cf. per trium dierum et noctium spatium jacuit mortuus, per quod spatium amare didicit quicquid antea suaviter deliquid, nam vita ejus presens testatur quecunque patiebatur. Passus est enim plurima incredibilia et intolerabilia tormentorum gênera, quorum ordinem sive nomina, sicut ab ipsius qui viderai et patiebatur, ore didicimus, nos ad augmenta- lionem vestre devotionis vobis scribere non gravabit 1172 las pe- nas. Alinéa; initiale peinte 1177-80 aquel deutor ... cavals. Pas- sage abrégé : qui cum bene receptis perendinaret tribus noctibus, cepit tractare de ceteris rébus. Oui cum ille responderet se ad manum non habere quod petierat, multum iratus iter expetere disposue- rat...

60 VISION DE TINDAL.

e comensec a far cri tz terribles, e dis que el era mort e que non podia escapar; e sopdament lo cors cazec coma mort e foc ayssi coma cors desamparat de l'arma e ac totz los senhals de [fol. 50 r°] mort. E adonc los scrvidors levero la

1190 taula, los scudiers cridero, lo deutor foc irat, lo poble de la ciutat se ajustée, los clergues sonero los classes, e foron totz turbatz e meravilhozes de la mort del bon cavalhier. E estec enayssi jazen lo cors, coma si era mort, del dime- cres entro al dissapde, que non avia senhal, mas i- pauc

iigS de calor, de vida. R cant venc al dissapde que lo volian sebelhir, so dizia lahun : « Mort es de tôt », e l'autre dizia : « Encaras non es de tôt mort, que encaras a calor » ; e volian lo sebelhir, e l'esperit tornec al cors, e comensec a sospirar mot fort. E d'aysso agro totz motz grans mera-

1200 vilhas, e van dire alcus : « Non es pas enayssi coma dis lo psalmista : 5pirituj yens et non redîens : l'esperit va e non retorna ». [fol. 50 v°] Adonc Tindal obric sos huelhs, e re- gardée entorn si, e fec senhal, car non podia parlar per so que avia vist, que el volia coffessar e cumenjarj e vengro

1205 les cappelas, e coffesset se devotament e cumenget; e cant ac resseubut lo cors de Jheju Christ, dis enayssi : « O senher D'ieus miscricordios, be conoyssi que sobregran es la teua misericordia, e la teua pietat major que lo meu

1195 calor] color. La confection est suggérée par le latin : nullo in eo rémanente vite signo, excepte quod calor modicus in sinistro pec- tore ab his, qui diligenter corpus palpare studuerant, sentiebatur. Tout ce qui suit, jusqu'à la ligne 1202, est traduit fort inexacte- ment —

VISION DE TINDAL. 6l

deffalhiment, car en my ha gran desconoyssenssaj mas per I2IO la graii pietat que es en tu, as me mostrat grans tribulatios per ma correctio, e pueys as me consolât e viviff[ica]t e del gran abisme de yffern deliurat. » E cant ac finidas aquestas paraulas, donec als paubres de Jhwu Christ tôt cant avia, e no a parens que el agues , e desamparec la vida vana e l'es- 12 1 5 tament que avia tengut, [fol. 51 F**] e près a ffar bonas obras e a Dieu plazens, e contée publicament a las gens so que avia vist aytant cant l'arma estec foras lo corsj e tôt so que avia suffertat tôt o recontec, ayssi coma o auziretz, que ieu vos contariev.

L'âme de Tindal est en proie aux esprits malins ; Dieu lui envoie un de ses anges.

II. Cant l'arma ac desamparat lo cors e conoc que mal lo avia régit, ac gran vergonha e gran pahor, e no sabia que se fezes, mas volgra tornar en lo cors e no podia ; e vesia sa cossienssa plena de peccatz e digna de turmen, e estec en gran pahor e gran temensa, mas envoquet la mise- ricordia de Dieu am gran coffizanssa, e car, per aventura, avia fag qualque plazer a Dieu, e Dieus vole ly mostrar so que auziretz. Entre que stava trista a ploran, e no sabia que dévia far ni ont se tengues, ela vie venir [fol. 51 V°j una gran multitut de speritz horres, terribles e pudens, que non tant solament onplian l'ostal ont jazia lo cors,

1220 Alinéa; initiale peinte. Le latin place le récit dans la bouche de Tindal

62 VISION DE TINDAL,

mas que tpta la ciutat n'era plenaj e aqiiestz speritz ven- gro a la arma trista tôt al torn , e non pas per coffort^r la, mas per so que fos eu major tristor e en major tribulatio, comenseron a cridar e a dire cans de grau dolor; e dizian

1235 ly : « O arma triSta, tu yest filha de mort e vianda de fuoc etcMial e amiga d'escurtat e enemiga de clartat. » E gitavo se aquels orribles speritz contra l'arma, e estrengian las dens, e de gran nialeza se squissavan, e disian a l'arma : « Vet te aquels que as elegitz, am los quais cremaras e en-

1240 traras en lo plus prion de yf'fern, car tu yest estada noy- rime/ït de tracios e mayre de bregas e de discordias. Per que aras no te donas lo [fol. 52 r°] erguelh que solies far? Per que non raubas? Per que non fas las grans malesas els tortz que solies far? Regarda ont es la tua vanetat, lo

1245 van gaug el fol ris ni la bobanssa. Ont as la forssa per laquai non temias re offendre? Ont so los regardameiis teus dezonestz que solias far? Dels tortz, dels mais, de las forssas, de las enjusticias, de las vilhezas, dels plazers deso- nestz que as fachs ni ditz, de tôt auras gazardo en aquesta

i25o hora de so que as fach ni dig ni penssat. » E cànt l'arma auzic aysso, estec mot trista, e sospirec, e tremolec, e estec eiibayda quasi en desperatio, que tôt jorn esperava que los demonis la presesso e lan menesso en yffernals turmens, e réclamée la misericordia de Dieu am gran dolor. [fol. 52 V]

1255 Adonc Dieus tôt poderos, pie de pietat e de misericordia,

1241 maire. Je n'ose corriger ce mot en. amaire [il faudrait amai- ritz), malgré le atin : amatrix discordie 1355 Alinéa; initiale peinte

VISION DE TINDAL. 63

loqiial tôt sol pot restaura los perdutz, an aquesta arma, car se era reclamada a liiy e la seua misericordia, vole aju- dar, e atrempar la miseria e la afilictio en laquai estava, e trames ly -l- son angel.

L'ange lui promet de la pi^otéger contre les démons et de lui faire voir les peines de l'enfer.

1260 III. E enayssi coma l'anna regardava say e lay, l'arma

vie una clardat a forma de una stela luzen, e demantenen ac speranssa que aquela clartat ly donaria qualque conso- latio ; e aqui meteys venc lo angel am gran clardat a l'arma, e saludec la per son propri nom, e dis ly : « Dieus te sal,

1265 Tindal, e te ajude per sa misericordia. E que fas? » E adonc l'arma, cant vie l'angel plus bel que neguna forma de home que se pogues trobar, non obstant la gran pahor que ac aguda, ac [fol. 53 r*'^.. de la presencia del angel, e respondec am grans lagremas : « Ay, senher payre, per la

[270 gran nierce de Dieu, ajuda me, car las dolors de yffern so entorn my, e los lasses de mort me volo pendre. » E adonc l'angel ly dis : « Car tu te vezes en gran miseria e en gran paor, tu me apelas payre. Mas cant tu eras en lo setgle e avias tos plazers, tu me menesprezavas e non

1^75 avias cura de may. leu era tôt jorn am tu e te amones-

1268 II faut suppléer quelque chose comme [essems gaug e pahor] ; cf. pre timoré simul e pre gaudio cum lacrimis talera prorupit in vo- cem

64 VISION DE TINDAL,

tava a ffar be, e tu no me volias creyre. » E Parma res- pondec : « Ay, senher, ja non ay membranssa que jamay ieu te vis ny auzis la teua dossa paraula. » E l'angel ly dis : « Ieu te ay seguida e acompanhada vas qualque part

1280 volguesses anar del temps que nasquiest entro aqacst, e non volias creyre mos savis cosselhs. » [fol. 53 V°J E es- tendec l'angel sa ma, e près hung dels orribles speritz, e dis a l'arma : « Vezes tu aquest ca? Aquest ca es p\us con- trari e plus apparelhat de far te mal que les autres;

1285 aysso es lo mal esperit que as cresut e my non as volgut creyre; mas Dieus, pie de miscricordia, vol mostrar en tu sa gran bontat, cant que non ho ajas gazanhat; e estay segura, arma, car a tu covendra gran re vezer e suffrir per aver pueys la gloria eternal, per que viey

1290 après my e tey en ta memoria so que ieu te mostrariey e so que veyras ni auziras, car pueys tornaras en ton cors, car Dieus no te vol perdre. » Adonc l'angel près la arma, e l'arma s'appropiec de l'angel am gran pahor, e lo cors restée aqui. E los demonis vigro que l'angel acompanhec e

1295 guardec aquesta [fol. 54 r"] arma en tal manieyra que no la auzero tocar, e comensero a cridar e a dire : 0 O Dieus, e tant déliai e tant cruzel yes, car per ta sola voluntat alcus mortifficas els autres vivifficas , e, segon que as promes, non redes a cascun segon sas obras. Car tu de-

i3oo lieuras alcunas armas que non an gazanhat e dampnas d'autras per ton voler. » E cant agro aysso dig entre els,

1282 Lacune de quelques mots ? Cf. Extendens raanum in unum iin- mundoruni spirituum, qui pre ceteris maledicis ei raagis insultabat

VISION DE TINDAL. 65

los demonis se comenssero a naffrar lahiin l'autre, e mor- dre de graa felonia, car no podian turmentar la armaj e enayssi se partiro d'aqui am grans critz e am graa tristicia

i?o5 e am gran indignatio, e aqui restée gran pudor per très horas. Adonc l'angel comensec a anar, e dis a l'arma que lo seguis. Adonc l'arma ly dis en plangen : [fol. 54 V**] « Ay, senher payre, se yeu vau avant, ieu temy que aquela companhia, que tant me an amenassada, me ])rengo e me

i3io nieto en lo fuoc infernal. » E l'angel respon : « Non ajas pahor, car major es la nostra companhia que la lor e plus forta; e quai poyria esser plus fort de nos, que Dieus sia an nos? Els non an poder de pendre te ni de appro- piar, mas tant coma Dieus o permet; mas tu veyras las

i3i5 penas de yffern e d'alcunas te covendra a suffrir per ta correctio, »

PREMIERE PARTIE Le Purgatoire.

Description des supplices réservés aux différentes catégories de péchem^s. Les parricides.

IV. E comensero a ffar lor cami, e l'arma non avia clar- tat mas aquela que yssia del angel; e cant agro anat longa-

1306 Adonc. Alinéa; initiale peinte 1307 se ieu vau avant. Cf. Heu, domine mi, si precesseris...; notez le contresens

66 VISION DE TINDAL.

ment, vengro a uiia val scura e teiiebroza e cuberta de i32o tenebras de mort. Aquela val era mot prionda e plena de carbos ardens e pudens, e avia y [fol. 55 r"] hun cruzel de ferr, que podia aver i»- caiia de spes, que era tôt blanc e cremava pus fort que los carbos. La pudor que yssia d'aquela val era tant granda que no se podia stimar; e una i325 gran multitut d'armas descendian sobre aquel cruzel a ma- nieyra. . .

las armas per aquel ferre [que] creman e caut era; fag aquo, las tornavan als turmens dels carbos cremans e ar-

i33o dens. E cant l'arma ac vistz aquestz turmens terribles, foc mot espaventada, e dis a l'angel : « Oy, senher, plassi'a te que me digas cals sou aquels que suffrisson tant cruzels turmens. » E l'angel respondec : « Aytal turmen e pena suf- frisso [fol. 55 V] qui a[n] mort payre, sor o frayre, o aquels

i335 que en aytalas obras cossentisso; e, segon que veyras, d'aquestas penas los demonis las meno e... pueys majors. »

1326 Quatre lignes restées en blanc dans le ms.; peut-être le tra- ducteur a-t-il mal compris le passage et préféré le laisser de côté. L'original n'est pas en effet d'une parfaite clarté : erat enim valde profunda et carbonibus ardentibus plena, cooperculum (?) habens fer- reum, quod spissitudinem habere videbatur sex cubitorum, quod nimio ardentes superabat candore carbones. Cujus fetor omnes quas hucusque passa est anima, superabat tribulationes. Descendebat enim super illam laminam (?) miserrimarum multitudo animarum et illic cremabantur, donec ad modum cremii in sartagine concremati omnino liquescerent, et, quod est gravius, ita colabantur per predictam lami- nam sicut colari solet cera per pannum, et iterum in carbonibus ignis ardentibus renovabantur ad tormontum 1336 Suppléer e[n autras], cf. et post illam ad majores, quas videbis, ducuntur penas

VISION DE TINDAL. 67

E l'arma demandée a l'angel : « Ay, senher, e suffriray ieu aquestà pena ? » E l'angel respondec : « Tu avias ben ga- zanhadas aquestas penas, pausant que non ajas mort payre 1340 ni mayre, mas tu as fach omicidi. Mas per la granda mise ricordia de Dieu yest gardada, per que ajas en memoria so que vezes, [e], cant seras tornada en ton cors, que no fassas las obras per que dejas tornar ayssi ni suffrir aquestas penas. E partem d'ayssi, car luenh devem anar. »

Les traîtres^. Leurs âmes passent d'un brasier de soufre dans un étang glacé.

1345 V. E els partiro d'aqui e vengro en i- mot gran puech de

gran orribletat e senes habitatio, el cami [fol. 56 r°] era mot destreg, eala P- part de aquel camy era fuocpuden de sol- pre,coma i- forn tenebros, e a l'autra part avia l- flum de glas, e l- ven terrible am gran tempesta, Aquel pueg era

i35o garnit de totas partz de demonis, que avian nom « tortos », per punir las armas que per aqui devian passar; e aquels malvatz tortos avian forças de ferr e grapas fort agudas e ponhens e cremans, ani lasquals naffravan e retenian las

1340-4 La traduction est assez éloignée du texte. Cf. De cetero autem caveto, ne, cum ad corpus revertaris, aiuplius ista aut majora mer- earis 1851 Le traducteur n'a pas compris : ita ut nuUus transitus transire volentibus appareret tutus

1. Cette indication est donnée un peu plus bas (/. 1388).

VISION DE TINDAL.

armas que passavo per aqui, e las tiravo en aquelas penas.

i355 E cant aquelas armas avian suffert longament aquelas pe- nas del fuoc del solpre, aquels tortos las gitavo en lo flum dei glas, e pueys las tornavo al fuoc. E l'arma, cant ac vistas aquestas penas, demandée [fol. 56 W°] a l'augel : « Oy, senher, e cossi passariey ieu aquestas penas que tan tas

i36o grandas veg per me pendre e retener ? » E l'angel ly dis : « Non ajas pahor, siec me, car ayssi no remandras tu. »

Les orgueilleux : ils sont ploJigés dans un étang fétide.

Vr.^Eanero s'en may, e vengro a una val prionda e mot jpuden e scura, en tal guiza que l'arma non podia vezer la pribndesa. Mas auzia d'aqui salhir grans critz e grans

i365 bruchs d'aquelas armas que aqui suffrian penas. E alcunas vetz aquel flum se levava en naut am gran multitut de carranhadas fort pudens, que radian tant gran pudor que l'arma ne avia major pena que de totz los turmens que avia vistz dessus; e avia y •i^'- taula mot longa, de •!• pueg en

1370 autre, en loc de pon, sobre aquela val, laquai taula podia aver mial passes de lonc e l- pe de lare; e per aquel pon no podian passar sino homes elegitz; e d'aquel pon vesia l'arma [fol. 57 r°| cazer aval aquels que y passavo, que no y vie passar negun ses dampnage, mas hun eappela que

1874 vie] vigui

i

VISION DE TINDAL. 69

iSyS portava e era pelegri e portava

una palma en sa ma, que (lavant totz passava mot sperta- ment. E cant l'arma vie lo pont tant lonc e tant destreg, e dejotz era pena e turment eternal, dis a l'angel : « Oy, senher, e qui me deliurara d'aquest camy de mortî' »

i38o Respondec l'angel : « Fay alegra cara, non ajas pahor, car d'aquesta pena seras gardada, mas l'autra suffriras que trobarem ; may sias forta e envoca la misericordia de Dieu tôt poderos. » E cant la arma ac passatz aquestz perilhz e se sentie defforas, demandée a l'angel : « Senher,

i385 eals armas son aquestas que sueffro aquestz turmens? » E l'angeî respondec : « Aquela val que tu as vista es pena d'aquels [fol. 57 V°] que moro en peccat d'erguelh , e lo pueeh del solpre es pena de traydos e de murtries e de raubados. Anem may, dis l'angel, que may veyras e majors

iSgo penas, ses comparatio, que aquelas que as vistas. »

Les avares. Séjour de l'âme dans le ventre de la bête Achéron; ce qu'elle jr voit.

VII. E l'angel anec primier, e l'arma aprop, e totas vetz l'angel la coffortava. E cant agro ânat longamen per

1375 Après portava, le scribe a laissé un espace blanc pour un mot ou deux; rien dans le texte n'indique le mot qui pouvait se trouver ici dans son original : neminem autem* [vidit] prêter presbiterum unum illesum pertransire 1380 Peut-être y avait-il dans l'origi- nal : T. l'angel [am] alegra cara. Cf. ille autem hilari vultu eam res- piciens respondit...

yO VISION DE TINDAL.

una via lôiiga e scura, vigro i*- bestia de sobregranda au- tesa, mot orribla, que era plus auta que totz los puegz que

iSgS agues l'arma vistz : los huelhs d'aquela bestia semblavan montanha de fuoc, e la boca era mot granda e huberta, per laquai pogran iiitrar -x- melia homes armatz ensems, e ténia dos armas en la boca; a la una ténia la testa entre las dens e Tautra ténia per lo mieg en la gola ; e era formada

1400 aquda bestia a semblanssa que agues très portas grandas, e per cascuna porta yssia [fol. 58 r"] una granda flama de fuoc, mala e orribla continuadamen e de sobregran pudor; e de la boca d'aquela bestia salhien plors e critz, losquals fazian las armas que ero dedins lo ventre d'aquela bestia.

1405 E aqui estava una gran companbia de demonis que diver- samen batian e naffravan las armas que aqui venianj e cant las avian diversament turmentadas, gitaven las en las grans flamas que yssian d'aquela gorja d'aquela bestia ; et enayssi aquelas arma suffrian aquels malignes turmens dins aquela

1410 bestia, E cant l'arma ac regardât aquel terrible e espaven- table turment, ela foc mot espaventada e ac mot gran pahor, e, en ploran, dis a l'angel : « Oy, senher, per amor de Dieu Jheju Christ, levem nos d'ayssi, que non ay cor

1397 X melia] ... capere poterat novem millia hominum armatoruin 1397-1400 Ce passage n'a pas été compris du traducteur : habebat autem duos in ore parasites et versis capitibus valde incompositos. Unus enim illorum habebat caput sursum ad dentés superiores prefate bestie et pedesdeorsum ad inferiores, alius vero versa vice caput deor- sum et pedes ad dentés superiores habebat sursum. Erant sic quasi columpne in ore ejus, qui idem os in similitudinem trium portarum dividebant

VISION DE TINDAL. 7I

que plus o puesca vezer ni re- [fol. 58 V°] gardar. Senher,

ï^ïb no non appropiem plus. » E l'angel respondec : « Nostre cami non aura compliment, car per aissi nos cove passar, car jamay los elegitz de Dieu non an poder de scapar an aquel turment; e sapias que aquela bestia a nom « Ache- ron », en laquai son turmenfatz los avars, e d'aquesta bes-

1420 tia parla la Scriptura : enayssi lo flum asorbara e no s'en meravilhara, que no aura fizanssa que lo flum Jorda puesca tôt corre en la seua boca. E aquels dos homes que estan en la boca d'aquela bestia son jayansj e segon lor secta eran fizels, mas avian tan granda avarecia que, per aquel

1425 peccat, sueffro aquestas penas. E jassia aysso que aquestas penas sian grandas, tu las veyras encaras majors. « E c'ant l'angel ac aysso dig, apropiero se de la bestia, e l'arma seguia l'angel 3 e cant foro près de la [fol. 59 T°] bestia, l'angel no ly apparec plus, mas layssec l'arma tota sola.

1430 E los demonis viro que l'angel s'en era partit e Tarma desamparada, e vengro a l'arma en guisa de cas enrabiatz, e prenguero la, e cant l'agro diversament batuda e turmen- tada e naffrada, gitero la dins [la] gola d'aquela bestia ter- ribla. Los turmens diverses, cals ni cans terribles ly do-

1417-8 Contresens : non enim hoc tormentiim ni si electi devitare va- lebunt 1420 asorbara] asorbava. Passage peu compris. Cf. De hac bestia scriptura loquiturj: absorbebit fluvium et non mirabitur, et habet fiduciam, quod influât .Tordanis in os ejus 1424-5 Mas avian ... penas. Tout ce passage a été reinanié par le traducteur, qui omet le nom, des géants et ajoute, de son chef, le motif de leur supplice 1434-40 La suppression de plusieurs m.embres de phrase rend tout ce passage m.édioGrem,ent intelligible. Cf. qualia autem vel quanta ibi tormenta passa fuerit, etiam si ipsa taceret, in colore vultus et

72 VISION DE TINDAL,

1435 nero, lonc séria de contar, segon que recontec pueys l'arnia j e cant fouc tornada en sou cors, mot estec en sa convertio e en sa vida que mot y fazia mal estar. Per que sia a edifficatio d'aquels queaquest libre legiran, recontem •I- pauc dels turmens que suffris lajotz l'arma dins lo ven-

1440 tre : car aqui ly vengro orres e espaventables leos, serpens e motas autras cruzels, diversas e espaventablas bestias, [fol. 59 V°] que per bossis la divisiro tota; après los demo- nis, an critz mot terribles, la metian en lo fuoc, e del fuoc pueys en lo flum del glas desobre gran frejor, en loqual

1445 avia pudor de solpre ses comparatio, am lagremas ardens; e ac d'autras diversas tribulatios; e cant l'arma trista ac suffertadas totas aquestas penas, comensec se a acusar dels mais que avia fagzj e si agues pogut, se fora desfacha de dolor car l'angel la avia desaniparada; e denientre que ela

1450 remenbrava los grans mais que avia faytz, e pessava eternal- ment suffrir aquels turmens e non pessava plus vezer l'an- gel, e no poc saber en cal guiza foc gitada d'aquela bestia. E cant ac -l pauc estât foras de aquela bestia, foc coma frevol e lassa per los turmens que avia [fol. 60 r"] suffertz,

1455 e regardée say e lay, e viguet venir l'angel am gran clardat, e foc tota consolada; e cant vie l'angel, e dis enayssi : « O la mena sola esperanssa e lo solas que Dieus m'a trames

conversione morum facillime cognoscere potèrit, quisquis sapiens no- tare voluerit. Et quia brevitate studere debemus, non cuncta, quœ audivimus, scribere valemus; et tamen, ne ipsam materiam videamur negligere, pauca de multis ad ediflcationem legentium volumus reci- tare 1446 e ac] agro. Cf. passa est enim ... copiam tribulationum

VISION DE TINDAL. yS

per sa pietat ! O clartat dels meus huelhs ! O basto per aju- dar a suffrir la mena miseria, e per que m'as volgut dezam-

1460 parar? E quais lauzors redray a Dieu, que m'a deliurat de grans penas, ni a tu de ta consolatio, car aras s'en fuch ma pahor. Be conoyssi aras que granda es la misericordia de Dieu, y E l'angel ly respondec: « Tu ajas a ssaber que tu dizes vertat, que major es la misericordia de Dieu que la

14G5 iniquitat, e sapias de cert que el redra a cascun segou sas obras; e car en la fi ly clamiest merce per sa gran bontat, no falh tu as trobat amb el [fol. 60 V"] misericordia, per que, quant seras tornada en ton cors, garda te que non gazanhes may aquestas penas ni aquelas que te mostrariey.

1470 Partiscam d'ayssi, e anem may. »

Les lançons et les sacrilèges. L'âme de Tindal est soumise à leur supplice.

Vlil. E la mesquina d'arma levée se e volia segre l'an- gel, mas que no podia anar per los grans perilhs e per los grans turmens que avia suffertatz; e l'angel toqûct la e foc guerida, e comensero de anar, entro que vengro a huu 1475 stang mot ample, tôt pie de tempestas e de vens orribles, e fazia tans grandas ondas que semblava que toquesso lo cel ; e en aquel estang estava l»- gran companbia de ter-

1466-7 E car ... misericordia. Passage très librement interprété. Cf. ipse ... tamen unumquemque de suo fine judicabit

74 VISION DE TINDAL.

riblas bestias per devorar las armas que venian en aquel loc. Desobre aquel estang avia hun pont mot lonc e estreg,

1480 que la [fol. 61 T°] longueza d'aquel pont ara entre dos mu- ralhs, e no avia may hun palm de lare; e las taulas de que era fach eron totas planas de ponchos ben agutz, en tala manieyra que totz los pes trauquava an aqiiels que y pas- savo, e duiament naffravan, car en negun loc no podia[n]

1485 passar los pes, mas sus los ponchos. E totas las bestias d'aquel estang se levavan sus près del pont per devorar las mesquinas de armas que cazian del pont aval, que no avian poder de passar; e aquelas bestias eran tant salvat- gias e tan grandas que semblavan unagran torr, e tan gran

1490 fuoc gitavan per la boca que tôt l'estang ne bolia d'aquel fuoc; e l'arma regardée sus lo pont, e vie venir P- arma ploran dessus lo pon, laquai se aeeusava fortment dels pec- catz que avia fagz, e era car- [fol. 61 v^jgada de garbas de sivada, e per forssa era costrecha de passar sus lo pont, e

1495 perlo gian fays que portava,los ponchos ly trauquavara los pes, e, pausan que suffris granda dolor als pes, major era la pena de la pahor que avia de cazer en lo estang, en loqual vezia aquelas orriblas bestias estar am las gorjas ba- dadas per pendre la, si cazes, que non era de la dolor dels

i5oo pes trauquatz. Quant l'arma que era am l'angel ac vist aquest

1479 Desobro. Alinéa; initiale peinte 1480-1 J'hésite à corriger . muralhs en milhars, car la construction de la phrase (entre dos ni.) semble indiquer que le non-sens est imputable à l'auteur. Cf. ... pons ... cujus longiludo quasi per duo iniliaria tendcbatur 1485 passar] corr. pausar 1499 la] lo 1490 bolia]. Peut-être y a-t il volia ; le h et le V à l'initiale sont difficiles à distinguer 1500 Quant.

VISION DE TINDAL. JD

turmen terrible, demandée a l'angel : « Oy, senher, plassi' a te que me digas per quai causa es aquela arma sus lo pont amb aquel fays, ni calas armas suefron especialment aquesta pena? » E l'angel respondec : « Aquesta pena

i5o5 que veses deves tu suffrir, et aquesta pena es dels layros e de [fol. 62 r°j aquels que acosselhan o tractan de far layro- nicy o raubamens, mas no suffriras aquesta pena engal- ment; mas, segon la colpa, suffriran mays o mens, car qui fara sacrilegi eternalment sera dampnat, e majorment si es

f5io en abit de religio; si per penitensa o per satisfactio ne s'en es emendat, jutjat es de la major colpa. » E l'arma deman- dée a l'angel : « O, senher, e que es sacrilegi ? » E l'angel respondec : « Aquel fa sacrilegi que pana cauza sagrada de loc sagrat. » E cant ae ^lig aysso, mostrec a l'arma que aquel >i5 pont dévia passar; e Tarma respondec a l'angel : « Oy, senher, vos passarelz pel pont alegrament per io divinal poder, mas ieu dopte que vos no nie puscatz menar an vos. n E l'angel dis : « Ieu no passariey am tu, car t-ii pas- saras per tu meteyssa [fol. 62 V], mas no pas sola, car una

i52o vaqua brava te covendra menar, e que la me redas sana cant auras passât lo pont. » E adone l'arma comensec a plorar mot amarament, e parlée mot turbada : « Ay trista, ta[n] mala aventura es huey sobre my venguda ! Senher, no

Alinéa; lettre peinte 1507-10 Le traducteur a mal compris; l'au- teur avait voulu dire que le plus léger sacrilège était assimilé à un vol important. Cf. Set non eodein modo patiuntur qui in minimis et qui délinquant in magnis, nisi forte illud modicum fuerit sacrilegium. Dans les lignes suivantes, quelques phrases de l'original ont été interverties

VISION DE TINDAL.

me vuelhas desamparar, per la merce de Dieu ! E per que

i525 nie a Dieus creada, que me covenga aysso suffrir ? E en cal

guiza poyray ieu menar la vaca brava? Morta ieu soy [ej

perduda se no preguas Dieu per me. » E l'angel dis ly :

« Menbre te de la vaqua que tu panies a ton compayre,

cant eras en ton cors. » E l'arma respondec : « Ieu,

i53o senher, la torniey. » E l'angel dis ly : « Car no la poguis amagar; per que no suffriras tan grandas penas com si no l'aguesses reduda, car la voluntat non es tant gran peccat coma [fol. 63 r°] lo fag; mas cascun es davant Dieu grau peccat. » E cantl'angel ac dig aysso, mostrec ly [la] vaca

i535 brava e dis ly aysso : « Es la vaqua am que deves passar lo pont, » Adonc l'arma près la vacca, e plorec amarament, e tirée la vaca per lo liam, e comensec la a dondar an me- nassas, e fes tôt cant poc que passes lo pontj e aquelas malas bestias venian desus lo pont, e yssian de l'estaiih, e

1540 estavo gorjas badadas, que se pessavan que l'arma cazes am la vaca per devorar laj e l'arma comensec a passar e tirar !a vaqua, e la vaqua tirava atras, e l'arma avant, en aytal ma- nieyra que alcuna vetz la vaca cazia demieja aval e l'arma demorava sus lo pontj e cant l'arma la avia tornada sus lo

1545 pont, l'arma cazia demieja aval, e la vaca restava sus lo pont 5 e cazen levan [fol. 63 V°J veiigro entro a la meytat del pon am gran trebalh e am gran dolor e gran plor; e l'arma regardée si avia gayre a anar, e vie venir encontra si

1528 a] am. Cf. Reduc ... ad memoriam qiiod ... vaccam compatria tui furata eras

VISION DE TINDAL. 77

aquela arma que era cargada de las garbas de la sivada, e

i55o venia, trista e ploroza, d'una part, e l'arma d'autra part; e trobero se en lo mieg del pont, e aquela que era cargada preguec l'autra que no ly empaches lo camy del pcnt, e aquela que menava la vaca preguec a l'autra que se vostes del camy e que no ly empaches -lo camy, car am gran tre- ' i555 balh era venguda entro aqui; e iieguna non avia poder de s'en tornar atras; e estavau aqui andos empachadas ara*^ sobregran tristor, e los ponchos ponchutz lor trauquavo los pes e los lor fazian sagnar durament; e cant agro aquo longamen tengut am plors, car no podian far pas la una

|i56o [fol. 64 r"] a l'autra, per la bontat e misericordia de Dieu no saubero de mot que foro otra lo pont passât, e agro mot gran gaug e motas grans meravilhas cossi foron enayssi

\ passatz. E cant l'arma que menava la vaqua foc passada,

trobec l'angel que la esperava, e dis ly : « Primieyrament,

i565 arma, be sias tu venguda, Layssa anar la vaqua, car satis- factio ne as fâcha e penitensa del peccat. E anem », dis angel. E l'arma respondec : « No poyria plus anar. » E adonc l'angel ly dis : a Remembre te dels teus pes, cossi ero laugiers a scampar sanc, e per aquo grans turmens te

570 covendra suffrir, e majors, si no fos la granda misericor- dia de Jhe.ru Christ, que te a ajudat a passar lo pont e t'a ajudat en las autras penas. » E cant aysso foc dig, l'angel toquet l'arma e foc guerida e sanada dels pesj e l'angel dis

1563 passatz] corr. .passadas (?) Mais il y a d'autres exemples de ces défauts d'accord : cf 1499, 1634, 1777-8. 1568 cf. Meminisse debes quam veloces erant pedes tui ad effundendum sanguinem

yS VISION DE TINDAL.

a rarmà